Sous le Mohwa

Sous le Mohwa

LA PROMESSE

 

 

C'est quoi, d'abord, la promesse ?

 

 

Ce n'est pas un examen et encore moins une signature morale/orale qui donnerait levier aux adultes ensuite pour punir ou humilier l'enfant qui ne s'y tiendrait pas. C'est – tout simplement, il ne faut pas chercher plus loin – une promesse que le louveteau se fait à lui-même, devant tout le monde – ses copains, les autres de la meute et les Vieux Loups.

 

En aucun cas il ne s'agit d'un engagement spirituel et il est très important que vous expliquiez bien aux enfants la différence entre faire sa promesse et donner son cœur au Seigneur. Pour certains, ce n'est pas évident !

 

L'enfant était invité jusque là. Ce Petit d'Homme qui était comme un touriste dans la jungle/ nos activités a été accepté, choisi, adopté par la meute alors qu'il n'avait en apparence rien à offrir en retour le jour où il a reçu son pelage. Dorénavant il était appelé Patte Tendre et il avait devant lui la possibilité de grandir.

 

Le jour où il prononce sa promesse, l'enfant décide à son tour et de son plein gré, de s'impliquer en réponse à cette invitation et de devenir acteur dans ce grand jeu du scoutisme.

 

La promesse aux louveteaux n'est pas défaite/oubliée en passant aux Éclaireurs : c'est pour cela qu'on ne fait plus le nœud carré à la meute, mais qu'on ajoute simplement le deuxième nœud rond, celui de la BA en bas du foulard.

 

Lorsqu'il sera dans la branche des 12-17 ans, l'enfant aura le loisir de décider s'il veut renouveler sa promesse scoute, cette fois en se tenant comme un homme parmi les hommes.

 


 

Comment ça se passe ?

 

 

Ça demande beaucoup de courage, parce qu'il faut venir au milieu et parler devant tout le monde, ce qui n'est pas évident pour tous les enfants. Pour que cela soit un peu plus facile, le jour où il y a une promesse, Akéla s'enquiert à la ronde : "est-ce que l'un des sizeniers a quelque chose à dire à la meute ?" et le sizenier qui sait que l'un de ses loups veut faire sa promesse accompagne celui-ci au milieu, puis revient à sa place.

Akéla demande : "Alors [Arthur, Justine], pourquoi est-ce que tu es là ?" et l'enfant répond "pour faire ma promesse".

 

Suivant les traditions de la meute et si le loup n'est pas trop timide ou qu'on sait que cela l'encouragera à prendre confiance en lui, on peut faire participer les autres enfants à ce moment. Akéla dira peut-être : "alors avant que tu la prononces, j'aimerais bien que tu ailles voir le sizenier des Fauves et celui des Tachetés qui souhaitent que tu expliques à leurs pattes tendres des choses importantes" (ou "tous les sizeniers", si vraiment vous n'avez rien à faire ce jour-là… je trouve pour ma part que c'est trop long et beaucoup de stress pour l'enfant). Les sizeniers demandent alors au louveteau de réciter les maximes ou d'expliquer ce que signifie le signe.

 

Certaines meutes ont un rituel qui consiste à dire "stop ! On n'entre pas dans la meute sans (…)/ les Fauves ne t'accepteront pas si tu ne leur dis pas/ donnes pas/ démontres pas (…)". Personnellement, je ne l'aime pas du tout. Laissez-moi vous expliquer ce qui me hérisse dans ce procédé : on a déjà été accepté à la meute, le jour où Bagheera a donné un taureau et où Baloo a parlé pour nous. RIEN, à mon sens, ne peut remettre cela en question. Si vous tombez d'accord avec moi, mais que vous voulez que la meute participe à cette cérémonie en ayant le droit de poser une ou plusieurs questions, voici une façon d'adapter le système :

 

Conseillez aux sizeniers de s'exprimer plutôt en disant : "[Arthur, Justine], tu veux prononcer ta promesse et montrer l'exemple aux Pattes Tendres et aux Petits d'Hommes. Alors est-ce que tu peux nous dire la Loi/ nous expliquer pourquoi on se serre la main du côté gauche/ montrer comment faire le nœud de rosette/ etc. pour que les Petits d'Hommes et les Pattes Tendres voient qu'elles pourront te demander de l'aide ?"

 

Quoi qu'il arrive, il ne s'agit pas de prendre l'enfant en défaut. S'il ne se souvient pas de toutes les maximes ou s'il n'arrive pas à faire le nœud, alors le sizenier qui a posé la question doit l'aider, puis le renvoyer vers Akéla avec un sourire et une gentille tape sur l'épaule.

 

Quand il prononce sa promesse, l'enfant se tient dans le cercle formé par la meute et il serre la main d'Akéla en faisant le signe des louveteaux pour la première fois.

 

Il dit d'une voix forte et claire (autant que possible) : "Je promets de faire de mon mieux pour respecter la Loi de la meute, écouter la Parole de Dieu et aider quelqu'un chaque jour."

 

Il sait ce que cela signifie parce que vous avez eu un entretien avec lui au sujet de sa promesse. Il n'y a donc pas de confusion de son côté ni du vôtre. L'ordre dans lequel il énonce ces trois choses n'a aucune espèce d'importance, elles ont toutes la même valeur.

 

Akéla répond : "J'ai bien entendu ta promesse et je la reçois." Il peut ajouter à quel point lui et les Vieux Loups sont fiers du louveteau, par exemple.

 

Ensuite, l'enfant fait le tour du cercle et il serre la main à chacun des louveteaux. Ceux-ci, s'ils ont également fait leur promesse, le saluent en réponse, les autres se contentent de lui serrer la main (et de se dire intérieurement qu'un jour prochain ils feront à leur tour la leur !). On peut chanter alors le chant de promesse louveteau ou l'hymne "Oui c'est nous les louveteaux" que l'on n'a pas si souvent que ça l'occasion de chanter et qui est très approprié pour cette occasion.

 


 

Pourquoi fait-on sa promesse ?

 

 

Un enfant qui veut faire sa promesse doit passer un entretien avec l'un des Vieux Loups, qu'il ait été préparé par son sizenier/ un autre louvart ou qu'il en exprime simplement l'envie.

 

Il s'agit de déterminer la raison derrière cette demande.

 

Bien sûr, souvent vous verrez une vague d'enfants demander à faire leur promesse parce que l'un d'entre eux vient de la prononcer – et ce n'est pas une mauvaise chose ! Ils ont été émus, remués, ils ont simplement besoin qu'on leur rappelle ce que l'on attendra d'eux s'ils font leur promesse : ils s'engagent à montrer l'exemple, à être fidèles et à faire de leur mieux. S'ils ne se pensent pas capables d'en avoir envie tout le temps (il faut faire la différence entre tenter de bien faire et réussir à bien faire tout le temps, qui n'est pas ce qu'on exige d'eux), alors peut-être que ce n'est pas encore le bon moment pour eux pour faire leur promesse.

 

Certains enfants veulent faire leur promesse parce qu'ils pensent que c'est la clé pour obtenir leur nom de jungle : c'est une très mauvaise raison, même si c'est parfois très innocent de leur part. Ré-expliquez ce qu'est la promesse. Ils sont sensibles au sérieux, à la responsabilité qui est liée. Vous les verrez réfléchir et tous seuls réaliser qu'ils ne sont pas prêts ou qu'ils doivent changer de motivation.

 

Une fois que vous avez déterminé qu'un enfant veut faire sa promesse parce qu'il veut avancer dans sa progression personnelle ou apporter son aide à la meute, alors c'est le moment de préparer la promesse, soit avec un autre louveteau en débouchant sur un entretien avec vous, soit directement avec vous.

 

 


 

Comment est-ce qu'on la prépare ?

 

 

- D'abord on explique pourquoi on se serre la main gauche quand on est scout.

 

Il y a plusieurs explications (la main du cœur, etc.), mais voici celle que je préfère et qui est la plus facile à comprendre à leur âge :

 

Autrefois, au temps des chevaliers, les gens portaient leur épée à la ceinture du côté gauche. Quand ils arrivaient devant quelqu'un pour le saluer, ils tendaient la main droite (comme tout le monde le fait encore). S'ils s'apercevaient que l'autre personne était un ennemi, ils pouvaient encore jusqu'au dernier moment tirer leur épée pour frapper ou parer un coup.

 

Mais lorsque je tends ma main gauche (faites-le avec eux), je ne peux plus tirer mon épée. Je ne peux donc ni me défendre, ni attaquer. Les scouts tendent leur main gauche parce qu'ils veulent dire aux autres "je ne t'attaquerai pas et je ne me défendrai pas contre toi non plus. Je viens en ami, je t'offre ma confiance".

 

Au passage, vous en profitez également pour leur apprendre à donner une poignée de main franche et à regarder leur interlocuteur dans les yeux (montrez l'exemple vous-même chaque fois que vous les saluez à la meute, d'ailleurs !). Il y a des chances qu'à force d'y être encouragés et de serrer des mains décidées pendant dix ou douze ans, en arrivant à l'âge adulte, nos jeunes scouts se présentent un jour à un entretien d'embauche et fassent tout de suite bonne impression !

 

Vous leur expliquez qu'on ne doit pas avoir peur de regarder l'autre en face si l'on a rien à cacher et qu'il n'y a rien de plus désagréable et qui rende plus méfiant qu'une poignée de main faible, moite ou fuyante. Expliquez que l'impression qu'ils donneraient, ce serait d'être hésitants, dissimulateurs ou incapables. Ils sont des loups, pas des chacals miséreux et flagorneurs, des Bandar-logs malpropres et indisciplinés ou des tigres au coeur fourbe. Leur poignée de main et leurs yeux doivent refléter honnêteté, joie de rencontrer l'autre, décision de s'impliquer dans le moment et dans la vie en général. Je vous promets que cela fera une différence dès maintenant dans votre opinion d'eux, dans leur propre attitude... et si, si, je ne rigole pas, plus tard aussi quand ils auront quitté les scouts !

 

 

- Ensuite on explique le salut louveteau :

 

Les deux doigts levés comme les oreilles prêtes à entendre le maître-mot de la jungle : "nous sommes du même sang toi et moi" et qui rappellent aussi les deux points de notre loi : "un louveteau écoute les vieux loups, mais un louveteau ne s'écoute jamais". Profitez-en pour (ré-)expliquer ce que signifient ces deux phrases étranges.

 

"Nous sommes du même sang toi et moi" :

 

C'est ce que l'on crie quand on rencontre un étranger dans la jungle qui ne nous ressemble pas (un vautour, un ours, une panthère, un homme... par rapport aux loups) ou qu'on ne connait pas. Si l'autre répond aussi "nous sommes du même sang toi et moi" alors tout va bien. Cela veut aussi dire que peu importe la couleur de notre peau ou notre apparence physique, nous sommes tous frères et sœurs.

 

"Un louveteau écoute les Vieux Loups écoute les Vieux Loups, mais un Louveteau ne s'écoute jamais" :

 

Est-ce que cela veut dire que l'enfant ne peut jamais avoir ses propres idées ou même tout simplement de bonnes idées ? Non, pas du tout ! Regardons ce que nous donne le dictionnaire comme définition du verbe pronominal "s'écouter" : “s’occuper trop de sa propre personne ; suivre sa propre opinion ; faire ce que l’on a envie selon son inspiration ; s’abandonner ; accorder une attention excessive à ses petits maux ; se dorloter ; s’amollir ; se complaire dans la contemplation de sa propre personne.”

 

Cela me paraît évident, mais je vais quand même le reformuler : ce que l'on demande à l'enfant, c'est de s'arrêter pour réfléchir avant de spontanément suivre son inspiration, pour prendre le temps de regarder s'il "pense d'abord aux autres" même en faisant cette chose dont il a envie. De consulter les Vieux Loups s'il a un doute et de, dans tous les cas, leur faire confiance sur les décisions qu'ils prennent.

 

"Un louveteau écoute les Vieux Loups" non pas comme un enfant ou une femme était autrefois tenu d'écouter/ d'obéir au patriarche peu importe qu'il ait raison ou tort.

 

En promettant de respecter la loi, l'enfant choisit aussi de ne pas douter du fait que les Vieux Loups ont son bien à coeur et sauront le guider en toutes circonstances.

Il veut et sait qu'il a besoin de leur aide pour pouvoir accomplir la première partie de la Loi - et le voeu de chaque scout du monde entier : se mettre au service des autres.

 

Et voici deux exemples que tu peux donner à tes loups pour mieux comprendre notre loi : l'un dans l'imaginaire jungle et l'autre très pratique/concret, dans leur quotidien en accueil de mineurs.

 

"Père Loup, lorsqu'il chasse, parfois il ne trouve rien pendant des heures. Il est fatigué, il a chaud, il en a marre, il a envie d'abandonner. Mais s'il "s'écoute" et rentre à la tanière sans ramener de gibier, eh bien ses petits n'auront rien à manger, ils pleureront et souffriront. Père Loup, alors, décide de persévérer jusqu'à ce qu'il trouve du gibier pour nourrir ses bébés qui en ont besoin pour grandir."

 

"Et toi, le soir au week-end ou au camp, ça t'énerve quand les Vieux Loups disent qu'il faut se taire, qu'il faut dormir maintenant. Tu es tout excité, tu as envie de bavarder avec tes copains que tu ne vois pas souvent, tu n'as pas sommeil et d'ailleurs chez toi tu te couches peut-être plus tard que ça. Oui, mais les Vieux Loups te demandent de ne pas t'écouter et de les écouter eux, parce qu'ils savent que même si toi, tu es encore en forme demain, il y aura d'autres enfants qui n'auront pas assez dormi, parce que tes bavardages les auront maintenus éveillés et que ces enfants-là seront fatigués, auront trop mal à la tête pour profiter des chasses. Ils savent aussi que même si tu n'en as pas l'impression, ton corps a besoin d'un certain nombre d'heures de sommeil pour grandir en bonne santé."

 

"Les Vieux Loups ne prendront jamais de décision arbitraire, parce qu'ils ont envie de faire comme ça, un point c'est tout. Tu peux toujours aller les trouver et leur demander pourquoi ils demandent ou interdisent ceci ou cela. Tu peux aussi les consulter lorsque tu as une idée mais que tu n'es pas sûr que ton fun/amusement/idée géniale ne risque pas d'avoir des conséquences désastreuses ou pas super sympas pour quelqu'un d'autre. Ils accueilleront avec joie tes suggestions et tes inititiatives si elles ne mettent pas en danger le reste de la meute ou toi-même."

 

 

 

 

Quant aux deux doigts pliés sous le pouce, c'est le plus fort qui protège les plus faibles/petits. Le cercle que cela forme nous rappelle que nous sommes une famille à la meute et que Dieu a fait une alliance avec les hommes il y a longtemps en promettant de prendre soin d'eux (comme la bague de papa et maman qui s'appelle aussi une alliance et représente la promesse qu'ils se sont fait de toujours s'aimer).

 

 

- On reprend les quatre points clés de la promesse pour s'assurer qu'ils sont bien compris.

 

"Je promets de faire de mon mieux", cela veut dire que je promets d'essayer de toutes mes forces, même quand je n'en aurais pas forcément très envie. Ça ne veut pas dire que je promets de réussir à chaque fois, mais seulement que je vais donner mon maximum. Si je me trompe des fois, je pourrais réessayer, la meute m'encouragera. Si je fais exprès d'oublier ma promesse parfois, je m'engage à accepter les conséquences de mes actions (devoir réparer mes bêtises, être écarté du jeu quelques minutes... etc.), mais cela ne veut pas dire que je ne pourrais plus faire le signe ou le deuxième nœud. Ensuite, une fois le problème réglé, je pourrais à nouveau tenter de faire de mon mieux.

 

"Pour respecter la loi de la meute" : c'est assez évident, nous vivons, jouons, travaillons tous ensemble. Nous avons besoin de règles et de penser les uns aux autres, d'écouter ceux qui savent mieux que nous et, si nous voulons que tout se passe dans la bonne humeur, de ne pas râler, nous plaindre et refuser de bouger dès que les choses nous semblent moins intéressantes ou plus difficiles.

 

"Écouter la Parole de Dieu" : méfiez-vous des enfants de chrétiens qui, habitués au patois de Canaan, croiront que cela signifie "obéir à la Parole de Dieu". Prenez bien soin d'expliquer qu'il s'agit simplement de respecter le temps du Cercle du Feu, d'être assis au milieu des autres gentiment et de ne pas tenter de se distraire ou essayer de gâcher le moment. Choisir Dieu est un choix qu'ils pourront faire, lui donner leur cœur aussi, mais c'est personnel et quand ils font leur promesse, ils ne s'engagent absolument pas à devenir chrétiens.

 

Enfin, "aider quelqu'un chaque jour" peut paraître difficile et contraignant à leur âge, mais ne cherchons pas à diminuer cela en "faire tout mon possible pour aider les gens" en laissant entendre que certains jours on ne pourra pas, puisqu'il faudrait en quelque sorte attendre que l'occasion de faire une bonne action nous tombe dessus. En fait, même, expliquez-leur que le deuxième nœud qu'ils font à leur foulard quand ils ont fait leur promesse c'est pour se rappeler de faire une bonne action. Et qu'on en trouve une, on la fait, on défait son nœud… et on le refait aussitôt pour se rappeler de faire une autre bonne action (c'est pour ça qu'en suite on ne le défait plus, on est toujours à l'affût d'une bonne action). Chaque matin quand on se lève, on se réjouit de la bonne action qu'on va trouver à faire – et même, tellement cela nous procure de la joie au cœur, que l'on n'en fait pas qu'une, mais plusieurs dans la journée.

 

Ce "aider quelqu'un chaque jour" est le fondement du scoutisme. Il consiste à chercher tout le temps, autour de soi, comment faire du bien aux autres. Une "bonne action", c'est sourire à quelqu'un, c'est aller jouer avec quelqu'un qui semble seul, c'est embrasser spontanément sa maman et lui dire qu'on l'aime, c'est se précipiter pour aider l'intendante à porter les épluchures au compost, c'est laver discrètement la vaisselle de celui qui essuie la table, c'est laisser sa place dans le bus à une vieille dame, c'est prêter sa gomme à son voisin. "Aider quelqu'un chaque jour", c'est un défi, certes, mais ce n'est pas difficile. C'est à notre portée et c'est à celle des louveteaux.

 


 

Et le jour J ?

 

 

Il est là, devant vous, ce petit louveteau qui a demandé à faire sa promesse avec ses grands yeux très sérieux. Dans votre grande main, la sienne tremble peut-être un peu. Peut-être qu'il bafouille, s'affole. Souriez, parlez doucement, serrez bien fort sa main, penchez-vous pour être à sa portée, le regarder dans les yeux et lui montrer que tout va bien : vous n'allez pas le laisser tomber, vous l'aimez, vous l'aiderez s'il le faut. Rappelez-lui de bien lever la main, fièrement, pour montrer le signe - et faîtes de même.

 

Encore une chose. Un louveteau n'est pas obligé de faire sa promesse devant Akéla, surtout s'il y a ce jour-là plusieurs promesses. Pour un enfant très timide, ce sera peut-être plus facile de faire sa promesse en tenant la main du Vieux Loup qui l'a préparé. Ne soyons pas rigides, autorisons-le.

 

C'est un grand moment d'émotion, pour le louveteau comme pour les Vieux Loups. C'est un moment où il grandit, là, sous vos yeux et ceux de ses camarades. Alors prenez des photos, honorez son courage et accueillez-le en frère, tout en montrant aux autres que ce qu'il fait est à leur portée aussi – que cela ne dépend que de leur bon vouloir.

 

Voici à ce sujet une anecdote qui me touche beaucoup :

 

Il y a deux ans, pour une sortie de novembre, on n'était pas assez pour encadrer la meute, alors on a invité à la dernière minute un certain "Manu" que Bagheera nous avait recommandé.

 

Le mec a passé dix heures sous une pluie battante, avec des gamins qui ne savent pas boire du chocolat chaud sans en renverser sur leurs genoux, ont passé leur temps à brailler à tue-tête "une bicyclette, sans guidon", se sont pris très facilement pour des éléphants et pour qui le meilleur moment de la journée a été de trouver une tanche crevée dans un trou d'eau. Et à notre grande surprise, il nous a annoncé le soir même qu'il était déjà engagé pour le groupe de jeunes cette année-là, mais que dès la rentrée suivante on pouvait compter sur lui à plein temps.

 

L'année suivante ce "Manu" est devenu Baloo, puis à la rentrée d'après, on lui a demandé s'il accepterait d'être notre Akéla. Comme il n'avait jamais été scout avant de débarquer parmi nous, il a fait sa promesse éclaireur devant les louveteaux avant d'accepter la responsabilité de la meute.

 

Akéla s'est placé en face de lui, Baloo a levé la main et fait le signe… et il a commencé à réciter la loi. On lui a vite soufflé qu'il se trompait, que ça commençait par "je promets de", mais il a insisté en disant qu'il voulait dire toute la loi avant de faire sa promesse. Mais un peu le stress, un peu qu'on l'avait coupé dans sa lancée, au bout de quatre ou cinq articles, il a commencé à cafouiller, à hésiter, à toussoter en cherchant la phrase suivante avec une goutte de sueur au front.

 

Akéla n'a pas bougé et il lui a fermement serré la main, comme pour lui dire : "on ne te lâche pas, on est là avec toi." Bagheera, par derrière l'épaule d'Akéla, soufflait le début des articles. Rama tapotait l'épaule de notre Baloo-futur-Akéla de l'autre côté. Les louveteaux lui adressaient de grands sourires tout autour du cercle pour l'encourager.

 

Et moi, j'étais avec tous les nouveaux petits d'homme (on en avait eu douze d'un coup cette année !) et je répondais à leurs questions. L'un d'entre eux s'est tourné vers moi à un moment et il m'a chuchoté :

 

- Il fait exprès de se tromper, hein ?

 

Ce à quoi j'ai répondu que pas du tout, il se trompait vraiment parce que c'est un peu difficile de se souvenir de tous les points de la loi et de les réciter en plus devant tout le monde.

 

Mon ami le petit Sullivan a froncé les sourcils :

 

- Mais personne n'est fâché ? a-t-il insisté.

 

J'ai souri : "ben non ! Parce qu'on voit bien que Baloo fait de son mieux ! C'est pas grave si on se trompe à la meute, tant qu'on fait de son mieux, que ça soit pour la promesse ou pendant les chasses. Regarde bien, tout le monde est en train de l'aider."

 

Alors Sullivan a soufflé en se penchant :

 

- ça veut que si moi j'essaie de faire quelque chose, si je veux faire ma promesse aussi par exemple, et que je me trompe, personne ne va se fâcher non plus ?

 

Et j'ai confirmé qu'effectivement, on l'aiderait, jusqu'à ce qu'il y arrive tout seul, aussi longtemps que ça lui prendrait.

 

Alors mon petit nouveau de 7 ans et demi n'a plus rien dit, mais avec des yeux brillants, il s'est à nouveau tourné pour contempler nos deux Akélas.

 

J'aime cette anecdote parce qu'on ne pouvait pas rêver plus bel exemple de ce qu'est la vie à la meute que cette promesse qui pourtant avait bien fait transpirer notre Baloo. Je pense que Sullivan n'oubliera jamais ce qu'il a appris ce jour-là, parce qu'il avait l'air absolument émerveillé.

 

 

Nous allons à contre-courant du reste de la société, de la course aux prix, aux bonnes notes, à la réussite. Non pas parce que nous sommes bizarres ou que nous voulons faciliter la vie aux enfants – s'engager à aider, à écouter, à respecter, ce n'est pas facile, et promettre de "faire de son mieux", c'est s'astreindre à quelque chose de difficile – mais parce qu'avancer ensemble, en suivant l'exemple qui nous a été donné, en nous entraidant, c'est ce qui nous permet de grandir et d'aller encore plus loin pour accomplir de belles choses.



17/09/2018
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