Sous le Mohwa

On m'appelle Tintin, mais mon vrai nom est Augustin Rémi. J'ai vingt ans, je suis reporter pour le journal belge le Petit Vingtième. J'ai un petit chien qui s'appelle Milou. J'habite 26 rue du Labrador à Bruxelles. J'ai rencontré Archibald Haddock, le capitaine du Karaboudjian et le Professeur Pétronille Pivoine il y a quelques mois, pendant que j'enquêtais sur la disparition du Sceptre d'Ottokar, le symbole de l'autorité royale en Syldavie.

J'étais en Syldavie pour faire un reportage sur le couronnement de la Princesse Nouchka. Je connais bien Nouchka, je l'ai rencontrée lorsque je suis allé pour la première fois en Syldavie il y a quelques années. J'avais découvert un complot bordure contre le Roi et réussi à l'empêcher.

Nouchka est une fille formidable et elle va très bien se débrouiller pour gouverner son pays. Mais c'est triste parce que nous ne pourrons sans doute plus nous parler comme avant… Ce sera une reine et moi, je ne suis qu'un petit journaliste belge… oh là, là, ce que j'ai eu peur quand j'ai cru qu'elle était morte dans cet accident d'avion ! J'ai cru que je ne la reverrais jamais…

J'ai grande confiance en le Capitaine Haddock. Il est peut-être bourru et c'est sûr qu'il ne devrait pas boire autant de coca, mais il ne ferait jamais quelque chose de malhonnête. J'ai appris à le connaître pendant notre voyage au San Théodoros pour aller récupérer la deuxième maquette de la Licorne chez la Marquise Di Gorgonzola et c'est vraiment un chic type !

Je pense que le Professeur Pivoine est aussi quelqu'un de bien. C'est une femme très intelligente et un peu sévère, je vous l'accorde, mais elle a une grande loyauté envers ses amis et je sais par Nouchka que le Roi Niko l'aimait comme une sœur. J'étais vraiment fier de faire partie de cette expédition sur la Lune à bord de la fusée qu'elle a construite… et je suis certain qu'on ne s'est pas écrasés à cause d'un défaut dans le moteur, comme le prétend Léopoldine Loiseau !

Elle, par contre, je ne lui fais aucune confiance. Le Capitaine dit qu'elle ne ferait pas de mal à une mouche mais il devrait se rappeler qu'elle menait un trafic d'eau minérale dans les cales du Karaboudjian derrière son dos !  Quelqu'un qui a déjà fait quelque chose de malhonnête et qui ne montre aucun remords va forcément recommencer à mal agir un jour !

Et puis je voudrais bien savoir comment elle avait ce parchemin de la Licorne avec elle dès le début de notre aventure ! Elle prétend l'avoir trouvé dans une maquette qu'elle a volée, mais je suis sûr qu'elle nous ment… il y a quelque chose de bizarre à son sujet… bon, quelque chose qui m'agace aussi, je pense, c'est qu'elle ressemble un peu à Nouchka alors que ma princesse, elle, ne se montrerait jamais aussi mal élevée et grognon que cette mécanicienne qui ne sait que râler et se plaindre des autres. Pardon, je suis de mauvaise humeur avec toute cette histoire, je ne devrais pas parler comme ça…

Ce que j'ai fait hier soir ? Voyons, c'est très simple. A 20h, je suis descendu à la Soute à Vivres avec Nouchka pour chercher une brosse à dent à lui prêter, comme elle a perdu sa valise dans le crash. Nous y sommes restés jusqu'à… euh… 21h ? 21h30 ?  Quelque chose comme ça. Oui, je sais, c'est un peu long pour chercher une brosse à dents mais, on a… ahem, discuté. On ne s'était pas vus depuis longtemps, vous comprenez. Elle est partie à la salle de bains et moi je suis monté à la chambre.

J'ai, euh… écrit dans mon carnet pendant un moment, puis quand Léopoldine et Pivoine sont arrivées, vers 22h, comme je n'avais pas encore sommeil, je suis allé faire un tour au Poste de Pilotage, vérifier que tout allait bien, regarder les étoiles qui scintillaient par le périscope stroboscopique… c'était magnifique… [tu fredonnes rêveusement "ma carriole et mon âne, mais de toutes les filles… la plus jolie", puis tu sursautes comme si tu réalisais juste que les louveteaux sont encore là].

Je suis redescendu me coucher à 23h. Milou n'était pas avec moi, je pensais qu'il était avec Nouchka, mais elle est arrivée dans la chambre en même temps que moi et il n'était pas avec elle. J'avoue que je n'y ai pas fait trop attention. On a bavardé à voix basse pendant un moment pour ne pas réveiller Pivoine qui était la seule à dormir, les autres n'étaient pas encore venus se coucher.

Vers minuit, on a entendu des bruits bizarres venant de la Soute à Vivres à l'étage en dessous. Comme ça ne s'arrêtait pas, vers 1h du matin on a décidé d'aller voir ce que c'était. On est tombés sur les Dupondt mortes de peur, qui croyaient qu'il y avait un fantôme à l'intérieur, mais quand on a ouvert, on s'est aperçu que c'était Milou qu'on avait enfermé dedans par mégarde ! Il avait fait un tas de bazar, mangé plein de provisions et dérangé tous les bagages !

Nouchka est restée pour m'aider à ranger – les Dupondt étaient reparties en disant qu'elles avaient quelque chose d'important à faire, je ne sais pas ce que c'est. On a terminé de ranger vers 3h du matin, on n'arrêtait pas de bâiller. Comme j'avais oublié de me laver les dents avec tout ça, on est descendus ensemble à la salle de bains et en passant on a vu que Léopoldine était dans la salle des machines.

On n'y a pas fait attention, vu qu'elle n'arrête pas d'appeler la fusée un cigare volant et de dire que le moteur atomique ne vaut pas les machines d'un bon navire. Elle n'aurait pas pu être en train de saboter, vu que les circuits qui manquent étaient dans le poste de pilotage, mais je me demande ce qu'elle trafiquait… dommage qu'elle soit là-bas pour vos entretiens, si elle avait laissé un indice, elle l'a sûrement fait disparaître depuis. Enfin, si j'étais vous, je jetterais quand même un coup d'œil au prochain passage !

En remontant vers 4h du matin avec Nouchka, en parlant du Sceptre d'Ottokar sans lequel elle ne pourra pas être couronnée, on s'est encore arrêtés à la Soute à Vivres parce que Milou s'est mis à gratter devant la porte, comme s'il essayait de me dire quelque chose. Je l'ai grondé, j'étais certain qu'il voulait encore manger. On s'est couchés.

J'ai cherché partout mon carnet que je pensais avoir laissé sur ma couchette, je suis même redescendu en bas voir si je l’avais oublié à la salle de bains, mais je ne l'ai pas retrouvé – ce matin, dans la panique en découvrant que la fusée avait été sabotée, je l'ai complètement oublié. Je ne sais toujours pas ce que j'en ai fait et c'est embêtant, il y avait des tas de… choses, je veux dire d'informations, que je ne voudrais pas que n'importe qui découvre…

Le capitaine ronflait, les Dupondt aussi, Milou couinait dans son sommeil, il avait peut-être une indigestion. Sur les couchettes en face de nous, Pivoine dormait comme une souche et Nouchka rêvait, avec un joli sourire sur les lèvres… Ahem. Bref.

Juste avant de m'endormir, vers 5h du matin, j'ai aperçu Léopoldine qui se glissait dans la chambre, la dernière à venir se coucher. Tiens, ça me rappelle que je l’ai vue vers 4h30 dans le sas, quand je suis descendu chercher mon carnet. Elle faisait je ne sais pas quoi dans le placard des scaphandriers et elle a sursauté quand elle m’a entendu, marmonné qu’elle n’arrivait pas à dormir... Pff. Mais bien sûr. J’étais trop fatigué, je n’y ai pas fait attention, mais c’était bizarre, en fait.

 Quant à Ranko, je ne sais pas du tout où il était… maintenant que j'y pense, c'est louche, ça aussi ! Celui-là ne m'inspire guère confiance aussi, même s'il a sauvé Nouchka dans la montagne. Sa tête me rappelle quelqu'un, mais je ne sais plus qui…

Note : Tu reconnaîtras finalement Ranko pendant le Procès, avec l'aide de la coupure de journal, si les enfants ne l'ont pas trouvé : il s'agit du Colonel Jorgen, dont tu avais découvert le complot d'assassinat contre le Roi Niko à ta première visite en Syldavie il y a quelques années.