Sous le Mohwa

Sous le Mohwa

Au delà de la rivière

Proposition de thème de camp :

DE PLUMES & DE CROCS


Note : Bonne nouvelle ! Ce thème est idéal pour une meute toute petite !

N'hésite pas à le mettre en place si tu as un minimum de 6 louveteaux et 3 Vieux Loups ! Il fonctionne également très bien pour une meute moyenne ou normale. Pour les grandes meutes, en revanche,  il sera plus difficile à faire vivre car il comporte beaucoup d'activités interactives (bricolage, cuisine, discussions...), ingérables avec un nombre d'enfants supérieur à 24 et une équipe de 6 animateurs.

 

Les fiches de jeu de ce thème ont toutes été réalisées pour un camp en 2022. Tu peux les trouver sur le blog.


Introduction

 

Quitte à vouloir faire "les Indiens", pourquoi ne pas tout simplement prendre Pocahontas ou Yakari comme thème de camp ou de trimestre ?

 

Eh bien, parce que si les animateurs qui nous ont précédées pouvaient se permettre une certaine inconscience en choisissant ce thème, ce n'est plus notre cas désormais. Dans le contexte actuel, et particulièrement parce que nous sommes des cheftaines louveteaux, nous ne pouvons plus nous permettre de bâtir une série de jeux sur des préjugés, des clichés et de faux bons sentiments, en balayant cela d'un "oh là là, mais où est le mal ? C'est gentillet…"

 

Non, ce n'est pas "gentillet". Des peuples entiers ont été massacrés, déportés, dépouillés. On leur a interdit de parler leur langue, on a séparé les enfants de leurs parents, on les a mis en prison parce qu'ils souhaitaient porter leurs vêtements traditionnels ou pratiquer leur religion. En tant que scouts, on ne peut pas négliger le manque de respect qu'il y aurait à "jouer aux Indiens" quand on sait avec quelle sorte de mépris les gens natifs du sol américain furent traités par nos ancêtres – et sont encore galvaudés de multiples façons dans notre culture. Ce serait renier nos principes que de traiter avec légèreté ce sujet, sous prétexte de "passer un bon moment".

 

De plus, la  légende de Pocahontas, non seulement basée sur des faits qui n'ont jamais pu être prouvés, mais encore transmise au fil des siècles par des récits romanesques écrits par des auteurs imprégnés par les mœurs et l'esprit de leur époque, charrie aussi bon nombre d'idées qui n'ont pas l'air si dangereuses mais qui sont suffisamment mauvaises pour que nous ne voulions pas les fourrer dans la tête de nos garçons et de nos filles : non, la femme amérindienne n'est pas une exotique déesse qui n'a pas d'autre alternative que de se convertir à la culture européenne ou de mourir sacrifiée (les femmes d'origine amérindienne ne représentent que 4% des femmes canadiennes  – en revanche elles constituent 16% des femmes agressées, violées ou tuées au Canada chaque année). Et oui, on peut aussi faire preuve de racisme même sans prendre les armes et chacun doit donc surveiller la façon dont il pense et comprend les choses – à chaque instant, où qu'il soit, qui qu'il rencontre. Enfin, John Smith était loin d'être un héros chevaleresque, et Pocahontas n'était pas en âge de se marier à l'époque où ils se connurent, elle avait l'âge des louveteaux !

 

Alors "c'est mort", on oublie ? Pourtant les louveteaux sont en plein dans la période où les gamins adorent se maquiller, mettre des plumes dans leurs cheveux, battre des tambours, tirer des flèches, crier "ouh-ouh-ouh" et se tapir dans les bois… on va leur mettre une douche froide et les priver d'une aventure innocente ? Mais non, on ne va les priver de rien ! Mais on va simplement faire les choses avec sagesse, différemment – avancer avec prudence, avec beaucoup de respect et en s'assurant de ne pas mettre les pattes dans trop de pièges.

 

Baden-Powell, ce cher homme, nous a appris qu'on pouvait être imbibé par les préjugés de son époque tout en ayant le plus grand des cœurs, et donc qu'il fallait constamment ajuster notre attitude et nos discours à ce que nous découvrons sur le monde en se servant de la jauge qu'est la Loi Scoute. S'il a pu réécrire douze fois son manuel du scoutisme jusqu'à en éradiquer la pensée colonialiste de son époque, au fur et à mesure de ce qu'il apprenait, sans pour autant en enlever tout le charme de la fiction des éclaireurs, alors c'est possible aussi pour nous de faire vivre aux louveteaux un merveilleux camp sur le thème "des Indiens" sans pour autant que nous les laissions tomber dans le piège pernicieux des clichés habituels.


Nos costumes :

 

Consultons des archives, documentons-nous et surtout visons du beau, c'est le meilleur moyen d'éviter de tomber dans le ridicule ou la moquerie. Si vous savez ce que signifient votre maquillage ou vos plumes, vous risquerez moins de raconter des bêtises ou de brosser un tableau écervelé de coutumes qui avaient un sens profond pour les peuples à qui vous les empruntez le temps d'un jeu. Sachez par exemple qu'à moins d'avoir accompli de très hauts faits, personne ne peut porter de longue coiffe et que la moindre plume tombée pendant une danse doit être ramassée avec un certain cérémonial.

 

Cela ne vous viendrait pas à l'esprit de faire comme les Dupondt et de vous déguiser pour aller visiter un autre pays, n'est-ce pas ? Ne faites pas cela non plus dans les chasses ! Au contraire, sautez sur cette occasion d'apprendre d'abord pour vous-mêmes, puis de pouvoir expliquer aux loups le pourquoi de telle tradition. Cela vous évitera aussi d'amener chez vous ou à la meute, à votre insu, des choses spirituelles dangereuses : à force de traiter "les Indiens" comme des personnages de cinéma, on en oublie tout ce qu'il y a de terriblement réel dans les pratiques religieuses amérindiennes.


Nos activités :

 

Si nous dansons, si nous frappons un rythme, si nous chantons ensemble… de la même façon, rappelons-nous que c'est pour développer la coordination physique des enfants, unir le groupe dans un mouvement harmonieux, faire tomber des inhibitions inutiles, encourager les loups à accepter leurs corps, à vivre pleinement. Ainsi nous ne serons pas en train de nous "trémousser" et donc de regarder de haut tout ce qu'il y a de signification dans les gestes, les danses, les chants, les coutumes de ces différentes cultures (rappelons-nous constamment que 500 nations sont englobées derrière les mots très réducteurs que sont "les Indiens" ou "les Amérindiens" et tâchons au moins d'expliquer aux enfants qu'un Sioux n'est pas plus un Iroquois que ce qu'un Chinois n'est un Japonais).

 

Si nous suivons des traces d'animaux, si nous cherchons à reconnaître des cris d'oiseaux, si nous construisons un abri ou un barrage, si nous suivons des sentes ou marquons une piste, si nous étudions les étoiles ou si nous faisons la liste des signes annonciateurs de la météo dans la nature… rappelons-nous que ce n'est pas simplement un jeu, qu'il s'agit de véritables techniques et que ce n'était pas plus spontané pour les enfants de cette époque que ça ne l'est pour nous. Ainsi nous éviterons de nous distancier sans nous en apercevoir des "Indiens proches de la Terre" comme s'il s'agissait de fées ou de créatures elfiques – et non pas de gens capables de se transmettre les uns aux autres des connaissances solides liées à un mode de vie conscient et intelligent. Et surtout souvenons-nous avec un profond respect des enfants qui furent enlevés à leurs familles, cruellement punis et convertis de force jusqu'à ce qu'ils oublient les enseignements de leurs pères.

 

Enfin, lorsque nous parlons, bannissons le langage simplifié du style pidgin, qui est bien moins innocent qu'il en a l'air ("toi aller village, moi trouver gibier, nous fumer calumet de la paix", et ainsi de suite) et parlons normalement avec les enfants, en faisant au contraire un effort pour honorer notre thème en apprenant au moins quelques mots simples de vocabulaire algonquin que nous placerons à bon escient pour transporter les loups vraiment dans un autre monde (si l'on peut même leur montrer qu'il y avait différentes langues, ce sera encore mieux !). Et puis n'hésitons pas à ajouter aussi quelques-uns des signes qu'utilisaient les Indiens des Plaines pour communiquer malgré leurs dialectes différents : les louveteaux seront absolument émerveillés en découvrant que le geste pour dire "ami"… est exactement le même que leur salut scout !

 


Concrètement :

 

Si l'on veut absolument éviter de tomber un remake des "Cow-boys et des Indiens" et mettre l'accent sur un choix de l'individu plutôt que du groupe, alors ce serait plus facile que tous les louveteaux soient tous "du même côté" – celui des Natifs Américains (en leur donnant cependant de sous-identités de tribus). Ainsi, avec des Vieux Loups dans les rôles de John Smith et James Evans, seuls étrangers/ anglais en face d'eux, ce sera plus facile de faire comprendre aux enfants les sentiments qu'on veut leur faire réaliser : ils seront tous déçus par l'attitude désinvolte de John Smith à qui ils avaient offert le meilleur… tous bouleversés lorsque James Evans commettra sa terrible erreur... et tous plus à même de comprendre de quelle façon incroyable le Seigneur nous a aimés, nous qui négligeons sa grâce et péchons contre lui.

 

Pour représenter la diversité des nations amérindiennes, on pourra jouer sur les multiples dialectes algonquins (et du coup garder l'approximatif "Wingapoo" que les enfants voudront absolument placer, aux côtés des plus fiables "Waachiye" ou "Kwe Kwe") et les distribuer entre les différentes "tribus" : le Castor, le Phoque, le Renne ou le Cerf, etc.


Comment est-ce qu'on peut combiner les deux récits historiques pour en faire quelque chose d'exploitable pour un fil conducteur de thème de camp ?

 

Si l'on accepte de faire de James Evans et de John Smith des contemporains le temps du camp, on peut avoir quelque chose de très parlant pour les enfants sans pour autant massacrer l'Histoire, puisque ce sont leurs attitudes et leurs choix plutôt que le contexte politique de leurs époques qui nous intéressent.

 

Et si l'on a Sagamore dans une tribu et Matoaka (Pocahontas) dans une autre, on pourra également éviter de mélanger leurs cultures si différentes, tout en ayant bien "un seul groupe d'Indiens" auquel appartiendront tous les louveteaux.

 

Pour tout ce qui concerne le détail des choix faits dans cette version et les écueils à éviter, référez-vous en aux paragraphes "la base pour l'histoire" et "ce qu'on veut absolument garder" (plus bas dans l'article).

 

Enfin, si notre maîtrise est composée uniquement de cheftaines, on pourra quand même s'adapter au niveau des personnages, en introduisant Rebecca Smith et Marie Evans comme personnages pour remplacer John ou James (Rebecca pour le nom anglais que prit Pocahontas et Marie comme s'appelait l'épouse du missionnaire). Mais veillons si nous avons au moins un gars à lui donner le rôle de James Evans, et si nous en avons deux, à en placer un du côté des Indiens, par exemple dans le rôle de Wahunsenacock, pour ne pas créer de fossé entre les filles et les garçons et bien garder l'équilibre des genres. Et si nous en avons trois ou plus, respectons les personnages historiques mais, pour le reste, répartissons-les entre les deux groupes !


Personnages

 

Il est important de garder en tête qu'endosser l'identité d'une personne réelle le temps d'un rôle est quelque chose de religieusement offensant pour les Amérindiens. J'ai cherché si on pouvait contourner cela et au passage simplifier la vie des Vieux Loups qui, c'est certain, auront plus de mal que les enfants à prononcer tous ces noms, mais ce n'était pas très concluant.

 

Les significations de Mataoka ou Openchancanough varient d'un site web à l'autre, et R. Vittoz, l'auteur de Terres Glacées, n'a visiblement pas éprouvé le besoin d'aller trop se renseigner sur les mots étrangers qu'il retranscrivait (il se serait vite rendu compte que James Evans avait fait une confusion sur "Sagamore", autrement !). De plus, essayez de taper Kahwonaby ou Mustagan sur Internet, vous verrez le casse-tête…

 

Bref, j'ai passé un certain temps à farfouiller sur un site de traduction cree / écriture syllabique et j'ai cherché comment garder l'authenticité de l'Histoire, sans nuire à notre histoire.

 

Je vous propose de garder Pocahontas telle quelle, juste parce que les enfants la reconnaîtront ainsi facilement et parce que la signification de son surnom fait à peu près l'unanimité – et vous trouverez donc dans la liste ci-dessous des noms choisis pour les autres personnages en suivant la recommandation des auteurs de Native-Languages.org, en puisant dans la réserve des mots amérindiens qui pouvaient correspondre à nos personnages.

 

Et la bonne nouvelle, c'est que vous pourrez du coup trouver comment ces mots s'écrivent en écriture syllabique cree ici : Online Cree Dictionary, Cree Language, Cree: Words, Alberta Elders' Dictionary, Maskwacis.

 

Version 1 pour 6 cheftaines et deux chefs

Version 2 pour 6 cheftaines et un chef

Version 3 : pour 6 cheftaines

Version 4 : pour 6 cheftaines et 3 chefs +++

 

 

Chef de la Confédération des Tribus Algonquines

 

Wahunsenacock, père de Pocahontas (versions 1 et 4) – Et parce que cela parlera aux enfants aussi, nous le désignerons sous son titre, Powhatan (pour l'écrire en cree, cherchez "king").

 

Matachanna, sœur aînée de Pocahontas (versions 2 et 3) – Nous l'appellerons Kahunge (ka-oun-ke), le mot pour désigner une oie sauvage en ancien powhatan (pour l'écrire en cree, cherchez "goose")

 

Si vous êtes vraiment à court de VL, vous pouvez aussi mettre Sagamore dans le rôle du chef, car Sagamore n'est pas un prénom, en fait, mais un titre du même genre que… sachem !

 

 

Personnages qui vont faire un choix crucial

 

Matoaka, dite Pocahontas, Tribu de l'Aigle (versions 1, 2, 3 et 4) – Nous utiliserons uniquement le surnom qu'on lui donnait, qui signifie quelque chose comme "enfant espiègle" (pour l'écrire, cherchez en cree "playful").

 

Sagamore, grand-mère de Magua, Tribu du Castor (versions 1, 2, 3 et 4) – Dans ce rôle-ci, nous l'appellerons Okawimaw (se prononce O-ta-wi-mow), ce qui veut dire "mère" en Cree.

 

Personnages qui provoquent des problèmes

 

James Evans (version 1, 2 et 4) ou Marie Evans (version 3)

Capitaine John Smith (version 4) ou Rebecca Smith (version 1, 2 et 3)

 

Personnages pris dans la tourmente

 

Magua, jeune fille de la Tribu du Castor (versions 1, 2, 3, 4) – Nous pouvons lui laisser son nom (cela se prononce Makwa, ce qui veut dire ours en powhatan. Or le même mot se dit Maskwa en cree) ou nous pouvons l'appeller Awasis (se prononce Awa-siss), ce qui veut dire "enfant" en Cree.

 

Hassel, jeune homme de la tribu du Castor (version 5) – J'ai choisi pour lui Ahkikos, ce qui signifie en cree "bébé phoque", pour rappeler sa véritable histoire et son clan d'origine.

 

Personnages en bonus

 

Mekagase, femme d'Oozhuskah, d'abord opposée aux Anglais, puis alliée (versions 1 et 4) – Nous l'appellerons Sihkimew (se prononce Sihh-ti-mieu), ce qui veut dire "celle qui guide, qui exhorte" en Cree).

 

Kahwonaby, chasseur de la Tribu du Castor, ami dès le départ (version 10)

Oozhuskah, ancien sorcier de la Tribu de l'Esturgeon, d'abord opposé, puis allié (version 7)

Mustagan, guide de la Tribu de l'Aigle, d'abord observateur neutre, puis allié (version 9)

John Rolfe, planteur de tabac, d'abord observateur craintif, puis allié (version 6)

Samuel Argall, capitaine sans vergogne, déterminé à s'installer par la force (version 8)

 

Pour tous ces autres personnages, je vous invite à aller chercher vous-mêmes quel mot correspond le mieux à leur caractère ou à leurs actions d'après votre lecture de Terres Glacées et pourra être leur nom pour le temps du camp.


Les chasses en fil rouge

 

 

Lancement (après-midi + veillée)

Personnages obligatoires : Smith, Evans, Pocahontas, Chef (ou Okawimaw)

 

Les Indiens découvrent que des étrangers sont en train de s'installer sur leurs terres et les observent pendant un moment, tapis dans les buissons (si vous donnez un script de quelques phrases en Allemand à vos deux Anglais, pour qu'ils "bavardent" tout en déchargeant leurs caisses, l'illusion sera complète !). Les étrangers s'illustrent en faisant toutes sortes de choses choquantes (surtout pour des louveteaux !) comme de jeter des papiers par terre, de faire un feu sous un arbre, de couper des branches vertes, de s'amuser à faire fuir les canards en tirant des coups de feu à tout-va… (Smith s'en vante et en rit, tandis qu'Evans semble faire cela plutôt par ignorance que par malveillance). Indignées, les tribus du coin (le Castor et l'Aigle, ainsi que l'Esturgeon et l'Ours si vous êtes nombreux) se rassemblent pour tenir conseil ensemble.

 

Même si certains sont d'avis qu'on aurait pu leur faire une place s'ils avaient été juste un peu plus respectueux de leur environnement, le Conseil finit par conclure que les étrangers représentent une menace et envoie une délégation pour en capturer un et l'informer qu'ils doivent s'en aller. Smith est fait prisonnier, mais loin d'écouter ce qu'on essaie de lui dire (c'est difficile de traduire et il ne comprend rien aux signes !), il se débat et il faut finir par le restreindre (James Evans peut également être capturé, mais il se montrera nettement plus humble, tout en étant tout aussi courageux).

 

Pocahontas (de la Tribu de l'Aigle) se rend compte que la façon dont les Indiens s'y prennent n'est pas la bonne et elle arrête le bras du chef : si on leur explique patiemment comment l'on vit ici, certainement on pourra partager de bons moments ensemble avec les étrangers : elle s'engage également à subir les conséquences de son choix, si Smith et Evans se révèlent finalement méchants et trahissent la parole qu'elle a donné pour eux au conseil. Powhatan accepte et Pocahontas fait délier le(s) prisonnier(s).

 

Elle s'adresse à lui/ eux avec douceur, expliquant qu'elle a racheté sa/ leurs vie(s). Smith, rasséréné, se calme et comprend finalement qu'on lui propose une alliance (à condition que les siens s'appliquent à respecter la nature et les lois d'ici). Il promet tout ce qu'on voudra (James Evans y met nettement plus de sérieux).

 

Okawimaw (de la Tribu du Castor), qui est loin d'être convaincue, affirme cependant que les Indiens finiront par regretter amèrement d'avoir épargné l(es) étranger(s).

 

 

Grand Jeu (après-midi + veillée)

Personnages obligatoires : Magua, Smith, Evans, Okawimaw (+ Chef)

 

Les Anglais font désormais partie de la vie quotidienne et des échanges sympathiques ont lieu entre les deux groupes, surtout grâce à Evans, qui rattrape souvent les faux pas de Smith lequel, prétentieux et égoïste, n'est pas le plus agréable des voisins. Mais au cours d'une chasse en commun, Evans blesse gravement Magua (sans le faire exprès). Il a la possibilité de le cacher et Smith l'y encourage, en prétendant que ce n'est pas si grave, en lui proposant de s'enfuir, tandis que de leur côté les Indiens sont consternés.

 

Mais Evans refuse de se mettre en sécurité, il est décidé à payer pour sa faute selon les lois de ceux qu'il a offensés. Il se rend alors dans le village indien et avoue ce qu'il a fait. Okawimaw, qui pourtant est la plus méfiante à l'égard des étrangers depuis le début, décide d'épargner sa vie, à la grande surprise de tout le monde, mais Evans devra néanmoins payer sa dette en restant désormais chez les Indiens, à vivre comme un esclave.

 

 

Jeu supplémentaire (après-midi)

Personnages obligatoires : Evans, Pocahontas, Okawimaw (+ Chef)

 

Evans est toujours prisonnier des Indiens, mais il fait de son mieux pour accepter son sort difficile avec bon cœur. De son côté, Smith s'impatiente car les vivres manquent. Au lieu de demander aux Indiens de l'aide, il les vole et quand ceux-ci viennent lui demander des comptes, il s'enfuit et laisse tout le monde dans la panade (si vous voulez placer un jeu du style douanier -contrebandier, vous pouvez imaginer que cela monte les deux tribus l'une contre l'autre et en résulte en une bataille).

 

Evans se propose pour aller négocier avec les Anglais. Les Indiens sont certains qu'il va en profiter pour s'enfuir lui-aussi, mais au contraire Evans revient et il pousse même le dévouement jusqu'à participer aux efforts à faire pour rétablir les greniers. Touchée, Okawimaw le libère alors de sa dette.

 

 

Veillée Finale (prépa après-midi + veillée banquet)

Personnages obligatoires : Pocahontas (+ tous)

 

Les tribus de l'Aigle et du Castor fêtent ensemble la paix retrouvée et offrent à James Evans une place d'honneur dans leur tribu, tout en réalisant bien que l'amitié qu'ils entretiennent avec lui est fondée sur le respect qu'ils se portent mutuellement.

 

Ils invitent également John Smith, qui est sur le point de repartir en Angleterre, même si celui-ci ne s'est pas excusé ni n'a promis de changer, parce que Pocahontas rappelle que c'est elle qui doit subir leur colère, c'était sa parole qui était engagée : elle choisit de continuer à offrir son amitié à John Smith, même si cela veut peut-être dire attendre en vain qu'il change.

 

D'autres Anglais viendront sans doute plus tard et devront décider à leur tour s'ils veulent prendre sans rien demander ou partager. . D'autres tribus auront également à faire un choix de paix ou de guerre à faire… ce ne sera sans doute pas facile. Mais si chaque fois quelqu’un décide d'offrir sa main au lieu de la lever pour combattre, alors les choses seront différentes.

 

Pocahontas décide qu'elle sera cette personne-là : elle va apprendre les mœurs des Anglais pour créer un trait d'union entre son peuple et eux. Elle sait bien que ce sera difficile et qu'il y aura encore à pardonner, mais quelqu'un doit faire le premier pas si l'on veut aller vers la paix.


Plein d'idées sympas à mettre en place

 

- Vous pouvez installer sur le lieu de camp un "métier à tisser" avec de la ficelle, de la laine ou de longues chutes de tissu et fabriquer ensemble, avec les loups que cela intéressera d'y travailler un peu chaque jour, une "couverture" ou un "tapis" qui servira de décor pour le banquet final, tout en ayant au passage fait découvrir une technique et un métier aux enfants.

 

- Vous pouvez également tirer une [fausse] peau de bête sur un cadre en brêlages et y inscrire soit un chant qui reviendra régulièrement dans les activités, soit les règles de vie du camp, soit un beau poème, soit toutes les signatures des louveteaux à la fin du séjour… toutes les idées sont bonnes ! Cela fera aussi un magnifique décor pour des photos individuelles ^^ et pour le banquet final.

 

- Pour vos costumes, de simples t-shirts marron taille XXL feront l'affaire, découpés en franges sur les bords et agrémentés de perles que vous pourrez laisser à disposition des louveteaux (après leur avoir montré comment les attacher). Mais encore une fois, intégrez à cette confection des éléments instructifs pour ne pas tourner en jeu ou en ridicule quelque chose d'extrêmement important pour les nations amérindiennes. Expliquez aux enfants que chaque broderie, chaque perle de cette tenue appelée regalia que l'on porte dans les pow-wow a une signification et fait partie d'une tradition qui se transmet de génération en génération. Et demandez-leur par exemple de dessiner eux-mêmes leurs motifs, en réfléchissant à ce qu'ils ont envie de raconter d'eux-mêmes.

 

- Montrez comment faire du macramé et aidez-les à confectionner leurs bandeaux et leurs ceintures, en y glissant des plumes que vous aurez pu récolter dans une ferme ou un zoo avant de venir : pour encore plus d'authenticité et de fidélité, vous pouvez aussi ajouter des plumes au fur et à mesure des bonnes actions faites par les loups pendant le camp ! Fabriquez des arcs, des flèches (avec des embouts en mousse et des empennes chatoyantes), des haches avec des manches peints de couleurs vives, des carquois et des guêtres avec des chutes de tissu et de fourrure que vous pourrez collecter avant le camp auprès de votre entourage.

 

- Au Cercle du Feu, ne lésinez pas non plus sur les chants en rapport avec le thème, comme "Enfants de la Terre" ou "Aimez-vous les uns les autres" (vous les trouverez dans le JEM Kids), ou encore "Dieu est si bon pour moi" que vous trouverez sûrement traduit sur Internet dans un des dialectes algonquins. Apprenez-leur le "Notre Père" en langage des signes des Indiens des Plaines : c'est beau, c'est facile à retenir et c'est encore un autre cadeau qu'ils emporteront chez eux. James Evans est un personnage-clé du thème : racontez ce qu'il a fait et donnez aux enfants, sur un support ou un autre, le verset Jean 3. 16 rédigé en écriture cree syllabique (et tout le camp, utilisez cela dans les chasses plutôt que le code Bagheera : ils sont très similaires, vous verrez, cela ne devrait pas poser de problème).

 

- En parlant de cadeau, vous pouvez découper des rondelles de bois avant le camp et les pyrograver avec les silhouettes des animaux des tribus, ou une référence de verset en cree. Percées d'un trou et nouées d'une cordelette en ficelle ou en cuir avec une perle, par exemple, elles seront un précieux cadeau pour les enfants, qu'elles soient ou non en ornement sur leurs costumes pendant le camp : je suis certaine qu'ils les garderont longtemps – et vous aussi  !

 

- Pour le banquet final, maquillez les enfants ! Emportez des images pour donner des exemples (dont vous aurez vérifié auparavant les significations !) et écoutez aussi leurs suggestions, c'est d'abord pour leur plaisir que vous proposez cela (des pointillés, des traits, une étoile, la silhouette d'un bison…peu importe, tant que cela les ravit). Veillez juste à avoir assez de temps pour faire cela dans la journée – et à prévoir comment vous les débarbouillerez avant le coucher ! Et maquillez-vous vous-mêmes aussi chaque fois que vous enfilez vos costumes, c'est la meilleure façon de les faire rêver avec cela. Mais par pitié, souvenez-vous que le terme "peau-rouge" est à bannir de vos conversations : personne n'a jamais eu la peau d'une quelconque nuance écarlate en Amérique, à l'exception de touristes imprudents en promenade dans le Grand Canyon sans chapeau. En revanche, une des premières nations amérindiennes rencontrée par les colons se peignait le corps en rouge en certaines occasions spéciales… de la même façon qu'on se poudrait abondamment le visage en blanc en Asie ou en Europe pour de simples raisons esthétiques !

 

- Ne ratez pas une occasion de faire goûter aux enfants du maïs grillé sur un feu de camp (ou un barbecue si vous êtes à un endroit où vous n'avez pas les autorisations nécessaires) ! Ce sera cool si Pocahontas sort un épi de son sac quand John Smith lui dit qu'il cherche de l'or ("c'est jaune, ça sort du sol, c'est très précieux"), mais encore plus cool d'en préparer pour le banquet final (vous pouvez aussi facilement faire du pop-corn dans une grande bonna !). Confectionnez avec les louveteaux un gâteau sans four avec des biscuits secs et de la pâte à tartiner et garnissez-le d'un décor de petits animaux de la forêt, d'un tipi miniature et de frisettes de glaçage vert en guise de mousse, pour un superbe dessert de fin de camp.

 

- En veillée, chantez Nagawicka, faites des "chasses à l'ours", dansez sur des chorégraphies que vous aurez travaillées avant (mais si vous voulez intégrer Ani couni quelque part, allez d'abord voir sa signification sur Internet…). Demandez aux enfants qui savent jouer de la flûte de les amener, pensez aux instruments à percussion qui s'apportent facilement en camp. Faites avec les loups des maracas avec des bouts de bois et des coquilles de noix ou des capsules de bouteilles. Si vous avez un chef qui maîtrise bien le chant, apprenez ensemble une mélopée à plusieurs voix qu'ils pourront interpréter pour la meute voisine ou pour le banquet final (surtout si vous avez des visiteurs comme le directeur du camp ou des parents venus aider au démontage) ou que vous pourrez filmer pour garder un merveilleux souvenir du camp.


Sur la grille de camp

 

Comme il faudra sûrement fignoler/fabriquer des costumes avec les loups avant, c'est mieux de décaler le lancement du thème au deuxième, voir au troisième jour, et de commencer le camp tranquillement en prenant nos marques dans la Fiction Jungle, plutôt que de se précipiter pour faire ça le premier soir, alors que les enfants n'ont pas encore "atterri".

 

Le thème comporte principalement des jeux de coopération : vous pouvez embrasser le concept et le monter entièrement sur ce principe, en vous disant que vous ferez des jeux du style prises de foulard en dehors du thème, sur d'autres jours du camp. Ou vous pouvez glisser sur le jeu supplémentaire soit un affrontement entre deux des tribus, soit faire jouer à tour de rôle à une partie du groupe le rôle du "gibier" à chasser/ trouver/ pêcher.

 

On ne sait pas quelle météo on aura : limitons donc au maximum les jeux qui auraient duré toute une journée, pour ne pas nous retrouver à les raccourcir pour les caser en une seule matinée à cause de la canicule, par exemple. Des chasses d'une à deux heures seront amplement suffisantes, et l'on peut en mettre une tous les deux jours, peut-être deux d'affilée exceptionnellement si on en veut un peu plus, pour ne pas se surcharger tout en gardant l'aventure bien présente. Ainsi on pourra facilement bouleverser la grille de camp.

 

En revanche, ajoutons des veillées en thème chaque fois que possible ! Non seulement à la fraîche on sera toujours bien, mais en plus une veillée autour du feu avec des danses et des chants (juste une veillée louveteaux, en fait, mais avec un zeste de magie ^^) sera toujours géniale dans ce thème Indiens, sans pour autant nous coûter beaucoup en termes de préparation (un conte raconté un soir, des sketchs ou des ombres chinoises préparées par les sizaines (ou les VL) une autre fois, un jour où l'on fait griller du Pain Indien et des marshmallows, un autre où l'on observe les étoiles…).

 

Faisons en sorte de toujours avoir au moins un animateur en bonus dans les chasses, de concentrer l'action sur quatre chefs indispensables seulement. Cela nous permettra d'ajuster les fiches s'il y a des imprévus, sans pour autant sacrifier nos idées géniales et le fun des enfants. Rien n'empêchera que le VL en question soit aussi en costume et bien présent le jour J, mais nous serons plus sereins s'il faut libérer quelqu'un : il n'y a rien de pire que de perdre le sens d'un jeu à cause d'une absence de dernière minute.

 

Enfin, rappelons-nous que ce n'est jamais une bonne expérience que de faire le banquet final la veille du départ : entre le rush de la préparation des sacs et les Vieux Loups qui sont déjà partis dans leurs têtes et que cela saoule de remettre encore une fois leur costume, on finit par avoir une ambiance tendue au lieu d'une fête qui restera dans les mémoires. Décalons donc d'un soir la clôture et, en association avec les Eléphants, faisons-en un moment grandiose, avec un repas délicieux en thème et un gâteau de fou préparé avec les louveteaux, des chants joyeux répétés autant de fois qu'ils le souhaiteront, des remerciements sincères, une déco magnifique, des tas de photos et de menus cadeaux-souvenirs fabriqués par les uns pour les autres.


Les deux récits sur lesquels on se base en résumé

 

 

Pocahontas

 

Les faits relatés par les documents anglais principalement inspirés des dires de John Smith diffèrent grandement des récits relatés dans la tradition orale des Mattaponi, aussi il est très difficile de déterminer exactement où commence la réalité et où s'arrête la fiction dans cette histoire. Certaines choses sont cependant identiques dans les deux versions et l'on peut au moins s'appuyer sur cela :

 

- Pocahontas n'était qu'une enfant à l'époque où elle rencontra le capitaine John Smith. Le nom sous lequel on la désigne n'était en fait qu'un surnom affectueux qu'on lui donnait, mais elle était effectivement la fille préférée de son père, Wahunsunacock, qui dirigeait la grande confédération Powhatan à l'époque – cependant elle était loin d'être fille unique (elle avait quelque chose comme vingt-six frères et sœurs) et si elle était bien espiègle, en revanche elle n'était pas autorisée à courir les bois toute seule.

 

- John Smith était un aventurier habitué aux situations de crises, qui avait été choisi pour cette mission en Virginie particulièrement pour cela. Il avait du charisme et de la décision, mais était loin d'être un enfant de chœur. Il fut effectivement capturé par les Powhatans et en revint en ayant formé une alliance avec eux. Mais il n'eut jamais de relation amoureuse avec Pocahontas et ne fit le récit de ce fameux jour où elle se serait interposée entre lui et son père que des années après la mort de Pocahontas et de Wahunsunacock : en conséquence un doute subsiste sur la réelle signification de ce moment (il ne parlait pas un mot de la langue et n'a pu rien comprendre de ce qui lui était arrivé pendant sa captivité) … ou même sur le fait que tout cela se soit même passé.

 

- Les Mattaponi apportèrent de la nourriture aux Colons pendant l'hiver et leur apprirent à cultiver le maïs. Ils étaient accompagnés de Pocahontas, parce que par tradition la présence d'un enfant parmi eux signalait à la partie d'en face qu'ils venaient en paix – et, en petite fille vive et intelligente, Pocahontas apprit très vite l'anglais et fut rapidement familière avec les Colons, dont John Smith qui dirigeait Fort Jamestown.

 

- John Smith quitta la Virginie en 1609, blessé par une explosion de poudre, et Pocahontas le crut mort pendant des années.

 

- Pocahontas fut trahie et capturée par les Anglais en 1613. Elle resta leur otage pendant une longue période de temps. Elle épousa plus tard un planteur de tabac appelé John Rolfe, prit le nom de Rebecca et se rendit finalement en Angleterre où elle revit John Smith brièvement – et a priori le battit froid. Elle mourut quelques temps plus tard sans avoir revu son pays et, après sa mort, les relations déjà tendues entre les Indiens et les Colons s'envenimèrent et finirent par se conclure par une guerre.

 

- La tradition veut que Wahunsunacock (que les Anglais appelaient Powhatan, confondant son titre et son prénom) ait voulu mettre à mort John Smith lorsqu'il le captura en 1608 lors d'une expédition le long du fleuve. Pocahontas se serait alors interposée entre le gourdin du chef et le prisonnier, réclamant la vie de celui-ci. Si l'on ne peut être sûr que les faits aient vraiment eu lieu, en revanche trois choses sont certaines : Wahunsunacock forma une relation amicale avec John Smith après cela ; Pocahontas elle-même mentionna un lien spécial qui existait entre elle, son père et le capitaine ; et ces trois-là furent les acteurs principaux de la décennie qui suivit, ceux qui tissèrent les premiers liens de paix entre les Anglais et les Indiens.


Terres Glacées

 

Le récit de la vie de James Evans, missionnaire de la Baie d'Hudson, est très intéressant pour nous. Ce personnage historique d'une grande humilité vécut 200 ans après Pocahontas – et à près de 2000 miles de l'endroit où elle vivait. Les Cries qu'il rencontrait, soit dans son village sur les bords du fleuve Mackenzie, soit lors de ses voyages dans le Grand Nord, étaient parfois très proches des Mattaponi qui habitaient en Virginie à l'époque où John Smith y aborda… mais souvent aussi très différents de ceux-là, soit par leurs traditions et leurs coutumes, soit parce que des années de tromperies et de mauvais traitements les avaient radicalement changés. Voici en quelques étapes les moments les plus importants racontés dans son journal :

 

- James Evans est enlevé par un Indien lorsqu'il est enfant. Il ne comprend pas tout mais réalise que les autres membres de la tribu sont très remontés contre lui et que "son" Indien le défend. L'homme le ramène le lendemain chez lui et crie au père de James avant de s'enfuir : "Visage pâle ! Voilà ton fils. Vous nous haïssez, vous nous persécutez ; pourtant, je me suis dit : Tu ne te vengeras plus sur un enfant ! Je te le rends. Tu lui diras, quand il sera grand, d'avoir pitié des Indiens toujours traqués, chassés de leurs villages. Adieu, petit". James Evans se souviendra toute sa vie de cette rencontre et de ces mots, et il cherchera partout l'homme qu'il avait rencontré, dévouant sa vie à aimer les semblables de celui-ci, à leur apporter l'évangile et à défendre leurs droits.

 

- Trente ans plus tard, James commence son ministère à Norway House. Il bâtit une église et, de là, rayonne autour en traîneau conduit par des chiens, accompagné par un guide, pour aller annoncer la Parole de Dieu aux différentes tribus nomades de ce grand territoire, laissant à chaque fois sa femme Marie et sa fille Eugénie avec la communauté de chrétiens Indiens de son village. Ces voyages extrêmement difficiles sont parfois fructueux, souvent frustrants, mais toujours marqués par de profondes conversations entre lui-même et les deux guides qui deviendront ses plus proches amis, Mustagan et Kahwonaby. Sans relâche, James Evans apprend et se forme, partageant toujours avec simplicité mais conviction sa foi qui grandit au contact de ces hommes.

 

- Mustagan, Kahwonaby du clan du Castor, les jeunes bateliers Budd et Hassel, et plus tard l'ancien sorcier Oozhuskah du clan de l'Esturgeon, observent James pendant tous les voyages et passent beaucoup de temps à lui enseigner avec patience la survie dans le Grand Nord. Au fil du temps, assoiffés d'en savoir davantage sur Dieu et déterminés à partager la joie et la paix qu'ils ont trouvé en Christ, ils lui font de plus en plus souvent cette demande pressante : "nous tous aussi nous avons faim de l'Evangile ; ne veux-tu pas nous donner la Parole de Dieu pour que nous la lisions ?"

 

- James Evans réalise que ce qu'il doit faire, ce n'est pas enseigner l'anglais aux Indiens qui n'ont pas d'écriture, mais au contraire adapter la langue crie, uniquement orale, en une forme d'écriture dans laquelle il pourra ensuite traduire la Bible. Il y travaille longtemps et finit par établir un alphabet de trente-six syllabes : grâce à cela, les Indiens peuvent apprendre en quelques heures à lire. James Evans fabrique ensuite une presse et comme il a très peu de moyens, il imprime les premiers versets sur des pages d'écorces, qui deviendront rapidement célèbres dans tout le territoire : "les écorces qui parlent".

 

- L'évangile se répand comme une traînée de poudre, portée par les Indiens qui se convertissent et veulent immédiatement partager le trésor qu'ils ont découvert avec leurs frères, leurs familles, chacun en trouvant dans les traditions de sa tribu une raison de le faire. Mais tout cela est loin de plaire aux commerçants anglais de la Compagnie de la Baie d'Hudson, qui font du transport de marchandises le long du fleuve, car les nouveaux chrétiens s'appliquent à respecter un jour de repos et de louange, alors qu'ils travaillaient auparavant 7 jours sur 7.

 

- James Evans fait alors un "pari" avec la Compagnie de la Baie d'Hudson : s'il peut leur montrer que les Indiens chrétiens sont tout aussi efficaces, voire même encore plus travailleurs que les autres tout en vivant leur foi, alors le dimanche de repos leur sera accordé. Après une course de plusieurs jours sur le fleuve, la preuve est faite de manière éclatante : la Compagnie d'Hudson ne peut que s'incliner et les chrétiens Indiens donnent une nouvelle fois une leçon d'humilité et de foi à James Evans en lui racontant comment ils ont placé une croix à l'avant de leur canot (comme ils l'auraient fait autrefois de leurs totems) pour gagner cette "guerre" : c'est sous ce signe qu'ils ont remporté la victoire et cela les conforte encore davantage dans leur confiance en Dieu.

 

- James Evans continue ses voyages en traineau et en canot… jusqu'au jour où un terrible accident a lieu : en passant un fusil à Hassel pour que celui-ci puisse abattre des canards pour leur dîner, le missionnaire fait un faux mouvement et le coup part, tuant le jeune homme. James Evans est dévasté par cet évènement et personne ne peut l'arrêter lorsqu'il décide de respecter la loi algonquine et d'aller se livrer à la famille d'Hassel pour payer sa dette.

 

 - Dans la tribu des Vengeurs de Sang, James Evans s'attend à être tué, mais Sagamore, la mère d'Hassel, réclame sa vie en voyant à quel point cet homme souffre d'avoir commis cet acte.

 

- James Evans passe des mois et des mois dans cette tribu, traité comme le dernier des misérables par tous, sauf par Sagamore. Il endure sa situation sans jamais se plaindre, bien qu'elle soit d'autant plus difficile qu'il ne se sent pas le droit d'annoncer l'évangile. Après quelques temps, on lui abandonne la charge d'une des petites-filles de Sagamore, Magua, qui est très malade. James ne peut guère la soulager, à part en la distrayant avec des histoires. Il lui raconte les paraboles de Jésus, s'enhardit peu à peu à lui parler du plan d'amour de Dieu pour les hommes. Comme Magua n'a jamais vu d'agneau de sa vie, James demande à Sagamore qui écoute, mine de rien, quel est l'animal qui aime le plus son petit d'après elle. Sagamore n'hésite pas une seconde : c'est le phoque, le totem de leur tribu. James reprend alors son histoire en l'adaptant et Magua, très vite, reçoit le Salut accordé à la Croix par Jésus, "le petit phoque de Dieu". Elle meurt en paix et sa grand-mère en est très touchée. Quelques temps plus tard, pendant une tempête où les Indiens passent le temps en se racontant des histoires, James Evans a l'occasion de reparler des mêmes choses. Puis il montre aussi à sa tribu d'adoption comment écrire et cela plaît beaucoup.

 

- Le temps passe et Sagamore finit par confier elle-aussi sa vie au Seigneur. Dans une conversation bouleversante avec le missionnaire, elle lui explique qu'elle lui a pardonné et que pour elle, la mort de son fils a permis que l'évangile parvienne jusqu'aux siens (ils avaient chassé Hassel à cause de sa foi). Elle intercède ensuite auprès du conseil du clan pour que James Evans soit libéré même si son année de payement de la dette de sang n'est pas terminée. La veille de son départ, James a l'occasion d'annoncer l'évangile ouvertement à toute la tribu… et beaucoup changent complètement de vie ce soir-là.

 

- James Evans retourne à Norway House et il est témoin encore de nombreux miracles, comme de la façon dont les mères autrefois esclaves sont désormais bien traitées par leurs fils, ou de la décision de Kahwonaby de partir porter des vivres à un clan ennemi héréditaire des siens pendant une famine. Mustagan décide également de se consacrer à l'annonce de l'évangile et devient le prochain Ayumeavookemou, le nom que les Indiens donnent au missionnaire et qui signifie "maître des prières". Cependant le corps de James s'est affaibli depuis la mort d'Hassel et il ne peut plus accomplir les voyages comme avant, il est souvent malade.

 

- James Evans retourne à Québec et se rend dans la clairière où était le campement de la tribu du Renne, qui l'avait enlevé. Il n'a jamais retrouvé "son" Indien, mais il réalise soudain que Dieu l'a rempli d'amour et de compassion pour celui-ci parce qu'il devait aller vers tous ceux de son peuple. Il sourit alors en se rendant compte qu'il ne se souvient plus du visage de cet homme parce que s'y substituent les visages de Mustagan, de Kahwonaby et de tous les Indiens qu'il a rencontré dans le Grand Nord. Il part ensuite en Angleterre avec sa femme et fait la tournée des églises pour parler de l'œuvre de Dieu au Canada, avant de mourir soudainement à l'âge de quarante-cinq ans.


La base pour l'histoire :

 

Bien sûr, ça va râler dans la maîtrise si on dit qu'on ne fait pas le Pocahontas de Disney tel quel – et il y a des chances qu'en s'y prenant mal pour faire les choses autrement ou en choisissant Terres Glacées sans réfléchir, non seulement on déçoive nos mômes bercés par le rêve creux offert par le film, mais qu'en plus on véhicule avec maladresse d'autres mauvaises idées. Aussi, pour ne pas faire l'adaptation médiocre d'un mythe déjà bancal, établissons nos priorités dès le départ. Qu'est-ce qui nous intéresse dans ces deux récits et quels sont les éléments qui plairont aux louveteaux qui ne créeront pas de conflit éthique ?

 

Dans Pocahontas, les Indiens ne sont ni de gentils naïfs ni d'épouvantables "sauvages" : ils sont tous aussi méfiants que les Colons des étrangers qu'ils rencontrent, ils cherchent à protéger leurs enfants et ne sont pas particulièrement curieux de la nouveauté. Ils aménagent un fonctionnement qui leur permettra d'apprendre des nouveaux venus et de se faire une idée d'eux au fil du temps, sans rejeter ceux-ci tout en bloc dès le départ, mais prennent aussi des décisions par rapport au danger que représentent ces envahisseurs, dont certaines sont questionnables : une alliance qui va dans leur intérêt surtout, par exemple, dont ils ne s'assurent pas qu'elle est entièrement comprise.

 

De la même façon que les Anglais, ils assument que leurs coutumes vont être intégrées immédiatement, et quand ce n'est évidemment pas le cas, ils réagissent avec exactement la même violence que leurs adversaires. Ce schéma bien loin d'être manichéen nous intéresse évidemment beaucoup, même s'il est utilisé à mauvais escient par Disney pour masquer la triste réalité des siècles d'abus qui suivirent. Pour nous, c'est important de montrer aux louveteaux qu'il n'y a pas un seul d'entre nous qui est meilleur que l'autre, quelles que soient nos origines, nos histoires ou nos religions.

 

Dans Terres Glacées, les Indiens ne sont pas non plus distinctement séparés entre pauvres hères dépravés à sauver de leur misère et fiers guerriers qui n'ont besoin de rien d'autre que de leur indépendance. Dans son journal, James Evans décrit en détail ses relations avec ses amis, ses voisins, ses guides. On y voit passer des gens en quête d'un sens à leur vie, qu'ils soient dépouillés de tout ou au contraire persuadés de tout maîtriser, qu'ils soient de caractères doux ou habitués à la violence, qu'ils soient proches de leurs racines ou non.

 

On voit bien que le missionnaire, bien loin de vouloir convertir des étrangers à son propre mode de vie, ne cherche qu'à partager avec les hommes et les femmes qui l'entourent une vérité qui l'a lui-même affranchi, qui le rend heureux… et que ceux qui sont touchés par le message qu'il annonce ne perdent en rien leur culture, mais au contraire y puisent davantage de force en la mettant à la lumière de l'évangile. Et ainsi les louveteaux, à travers cela, pourront comprendre qu'ils sont tous aimés par Dieu et qu'ils ont tous besoin du Salut qui leur est proposé.


Ce qu'on veut absolument garder :

 

- Montrer qu'il y a plusieurs cultures différentes issues des peuples natifs américains, et non pas une seule tradition amérindienne. Les Mattaponi de 1607 étaient des cultivateurs sédentaires – les Cries de 1844 des chasseurs nomades. Les uns avaient des maisons, les autres des tentes. Les premiers vivaient toujours au même endroit, avec un sens de possession de leurs terres, dans une certaine abondance… les seconds se déplaçaient sur un vaste territoire, ne considéraient pas le vol comme un délit et n'étaient pas étrangers à la famine. Pocahontas et ses sœurs vivaient honorées et choyées, libres de leurs choix – Sagamore et les autres mères du Nord étaient de véritables esclaves, souvent très mal traitées. Leurs langues, leurs coutumes, leurs nourritures, leurs histoires étaient aussi différentes que celles des Espagnols peuvent l'être de celles des Suédois !

 

- Conserver la notion que l'on appartient nous aussi à des cultures variées, qui nous ont été transmises par nos parents, notre famille ; que l'on a tous un héritage différent, un patrimoine qui fait de nous ce que nous sommes… et que nous pouvons bien sûr en être fiers, mais que nous devons aussi respecter l'identité et les traditions des autres. Certains de nos loups sont citadins, d'autres de la campagne ; certains viennent de familles nombreuses, d'autres sont enfants uniques. Il y a des garçons et des filles, des francophones et des anglophones, des pauvres et des riches… pour les louveteaux, c'est autant important de comprendre que les autres familles sont aussi formidables que la leur que d'apprendre à ne pas avoir honte de leurs racines.

 

- Montrer qu'il n'y a qu'une seule bonne attitude à adopter lorsqu'on est confronté à l'autre, qu'il soit ou non de la même culture : être fidèle à ma parole et respecter ses choix. John Smith s'engage en réponse à l'accueil qui lui est fait, puis change la donne quand les choses deviennent difficiles et finit par abandonner ses alliés trahis par ses compagnons… le résultat est catastrophique – pour lui, pour la nation Powhatan et pour toutes les relations futures entretenues entre les Indiens et les Anglais. Mais le courage dont fait preuve James Evans lorsqu'il se soumet à la loi des Algonquins démontre au contraire à tous, y compris à ceux qui avaient le plus de raison de le haïr, que ses paroles ne sont pas que du vent et que ce qu'il prêche est une réalité pour lui aussi : la situation en est complètement renversée et de nombreux cœurs trouvent une véritable paix grâce à cela.

 

- Démonter les préjugés habituels : du style les Blancs apportent une révélation moderne et les Indiens qui la reçoivent sont tirés de leur obscurantisme, ou les Indiens sont les seuls à détenir la clé d'une vie harmonieuse et les Blancs ont perdu tout sens commun depuis qu'ils se sont éloignés de Mère Nature. Les louveteaux ont besoin de réaliser qu'une relation harmonieuse ne peut s'établir qu'à partir du moment où les deux parties s'intéressent à ce qui est différent chez l'autre et honorent ce savoir, et où les deux parties conservent avec fierté ce qu'elles possèdent de beau et de bon, mais choisissent d'intégrer ce qui de la culture de l'autre les enrichit, les fait grandir.

 

John Smith arrive en conquérant, en civilisateur persuadé d'avoir la vérité. Il ne prend que ce qui l'avantage chez les Indiens et balaye tout le reste, le targuant de sauvagerie qui nécessite d'être corrigée. Et les Powhatans agissent exactement de la même façon, se campent sur leurs positions et condamnent ceux des leurs qui se fondent dans le nouveau moule. En conséquence, les deux côtés sont déchirés par la guerre, aucun n'évolue positivement au contact de l'autre et, des siècles plus tard, il s'agit toujours de prendre un parti, de déterminer qui a eu tort, qui a raison, qui est le meilleur des deux.

 

 Au contraire, James Evans est fasciné par la culture qui l'entoure, mais pour autant il ne rejette ni ses origines, ni sa foi. Il s'adapte à la façon de vivre de ceux vers qui il va dans ses voyages – et dans sa façon d'expliquer les choses – mais son message et son identité restent les mêmes. Il ne cherche pas à imposer, mais à partager. C'est pour cela qu'il est capable de comprendre rapidement qu'il ne faut pas qu'il essaie d'apprendre l'anglais aux Algonquins pour que ceux-ci puissent lire par eux-mêmes la Parole de Dieu qu'il veut leur faire découvrir, mais au contraire qu'il doit trouver un moyen d'écrire les mots de la Bible dans leur langue. L'écriture syllabique qu'il invente pour la langue crie est un véritable succès – au point qu'elle est toujours utilisée de nos jours – parce qu'elle répond à un besoin, à une demande de ceux qu'il fréquente et qu'il aime, tels qu'ils sont.

 

Il donne ce qu'il est capable de donner en s'appuyant sur sa foi, sur son héritage culturel et sur ce qu'il observe autour de lui, et il reçoit en échange l'amitié profonde de ceux qui l'entourent et des leçons qui le bouleversent, qui lui permettent de mieux comprendre qui il est et comment il se place par rapport à Dieu.


Ressources

 

Native American Language Net: Preserving and promoting First Nations/American Indian languages (native-languages.org)

Cree Language and the Cree Indian Tribe (Iyiniwok, Eenou, Eeyou, Iynu, Kenistenoag) (native-languages.org)

Online Cree Dictionary, Cree Language Resource Project, Maskwacis Plains Cree, Saskatchewan Cree, Woods Cree

Native Americans: Cree History and Culture (native-languages.org)

Cree language, scripts and pronunciation (omniglot.com)

Woods Cree language, scripts and pronunciation (omniglot.com)

 



31/03/2022
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 31 autres membres