Sous le Mohwa

Sous le Mohwa

Retour sur le Camp 2025 Robin des Bois - LA PROMESSE DU ROI

 

Camp Louveteau OTHNIEL 2025 – Vermenton (89)

ROBIN DES BOIS

 

 


"LA PROMESSE DU ROI"

 


 

"On raconte des tas de légendes et d'histoires à dormir debout sur Robin des Bois, toutes différentes d'ailleurs. Eh bien nous autres, dans la Jungle, nous avons notre version. Voilà ce qui est réellement arrivé dans la Forêt de Sherwood…"

 

Tout commence un soir, lorsque résonnent sur le lieu de camp les accords d'une guitare. Les louveteaux, interrompus en plein épervier, se rassemblent autour d'Alan-a-Dale, le gentil ménestrel coiffé d'un bonnet de velours. Ils ont à peine le temps de lui demander de quelle faille temporelle il s'est échappé… que surgit entre deux arbres un capuchon de drap vert qui les hèle d'une voix forte : "Holà, Compagnons, mais que faîtes-vous donc là ? Ne savez-vous pas que Robin nous attend à la cachette ?"

 

Les yeux des Loups pétillent d'excitation et toutes les mains se tendent pour attraper les jolis costumes indispensables pour entrer dans l'imaginaire ni vu ni connu. "C’est vraiment pour nous ? C’est troop gentil !” s’extasient-ils. Je noue des ceintures en crochet par ci par là et, tout en me penchant, je glisse : ”C'est la maman de Bagheera qui a fabriqué tout ça pour vous" avant de me redresser et de brailler : “Moi c’est Grande-Jeanne ! Allez, Compagnons, en route pour la cachette !”

 

On s'enfonce dans la Forêt de Sherwood, par le petit sentier derrière la tente d'animation.

 

Il bruine doucement et des gouttes brillantes perlent sur les feuilles. Entre les arbres, des capuchons pointus trottinent dans le crépuscule vert et doré. Soudain ils s'arrêtent, émerveillés. Sous un chêne, un homme en tunique médiévale est assis sur un tronc couvert de mousse. Son carquois sur le dos, un genou relevé, il taille soigneusement une flèche avec son couteau. "C'est Robin des Bois !" crie Œil Fraternel, ravi – et la meute s'élance, se rassemble autour du héros qui dit en souriant : "Je vous attendais, Compagnons."

 

"Robin avec Grande-Jeanne au bois se promènent, ils s'en vont le cœur content et bavardent gaiment, o-de-lally, o-de-lally, quel beau jour de camp".

 

La mélodie de la guitare nous accompagne dans la Forêt en direction de la grotte où nous trouvons Belle Marianne, si jolie dans sa robe de princesse et la douce Sœur Tuck avec son accent anglais chantant. Les Loups s'installent autour du feu – inexistant sous le marabout, la pluie hélas nous a privé d'une vraie flamme, mais dont l'odeur de fumée est encore bien présente – et se préparent à écouter le conte qui lance le thème de camp.

 

Clapotis de sabots, sifflement des flèches, tintements de pièces d'or… très vite ils sont emportés dans l'histoire haletante d'un jeune serf fanfaron et imprudent, qui fut arrêté pour ses fautes et mené devant le Roi Richard pour être condamné…

 

"Mais le Roi me pardonna entièrement et me releva, en m'appelant fils. Désormais, je pouvais vivre dans sa maison, libre et aimé. Puis un jour, il me fit venir et me dit "Robin, je dois partir. Mais je te fais la promesse que je reviendrai. En attendant, garde ma parole et sois fidèle à ma couronne."

 

Sur la toile de tente, l'ombre menaçante du Prince Jean grandit. Robin est jeté en prison parce qu'il remet en question les injustices commises par l'usurpateur. Belle Marianne, son amie d'enfance qui vit au château, elle aussi adoptée autrefois par le Roi Richard, le fait échapper à l'insu du shérif… et au détour d'un chemin dans la Forêt de Sherwood, sur un tronc qui traverse la rivière, Robin rencontre Grande-Jeanne dans les rires et les éclaboussures d'une belle journée d'été.

 

De leur premier duel au bâton à leur bataille féroce contre les Gardes du Shérif, les aventures des deux compagnons tiennent en haleine les louveteaux éperdus : la chef des hors-la-loi ira-t-elle jusqu'à trahir son nouvel ami pour l'argent de la récompense ? Comment Robin se tirera-t-il de ce mauvais pas ? 

 

La nuit tombe et, dans la grotte, Robin et Grande-Jeanne scellent d'une poignée de main leur réconciliation. "Je ne sais pas pourquoi tu agis comme ça, Robin, mais je n'oublierai pas que tu m'as pardonné alors que je ne le méritais pas. J'en envie d'en savoir plus sur ce Roi que tu attends. Reviens vite nous en dire plus sur lui."

 

Il est l'heure pour Belle Marianne de retourner au château et pour les Loups d'aller se coucher. Alan-a-Dale pince à nouveau les cordes de sa guitare et des voix claires se joignent à son paisible refrain :

 

"C'était par une nuit douce… que Robin nous conta… qu'un jour Richard pour tous… la justice rendra… holalahihou, holalahihou…"

 

La pluie berce les rêves des campeurs, puis elle fait place au soleil le temps d'aller à Vermenton en sizaines. Nids d'hirondelles, tranches de melon et écureuils affairés pimentent l'exploration qui se termine au lavoir dont l'eau scintille sous le ciel bleu. Une transition parfaite pour la journée du lendemain qui commence de façon dramatique à midi, quand l'infâme shérif de Nottingham fait sa première apparition, super stylé dans sa tunique rouge… et dépouille une pauvre lavandière de son salaire durement gagné, au grand dam des louveteaux, spectateurs impuissants derrière leurs popotes.

 

"Les taxes, toujours des taxes ! Qui point ne pouvait payer, allait en prison !"

 

Cette après-midi-là, en l'absence de Robin, Grande-Jeanne indignée propose aux enfants de dépouiller les Gardes du Shérif (et sa conscience - Mère Louve sous sa capuche - ajoute en chuchotant "ça, c'est pas louveteau du tout, je pense que Robin va être furieux !"). De son côté, Sœur Tuck conseille aux louveteaux-villageois d'aller mettre leurs économies à la Banque de York pour qu'elles y soient en sécurité. Mais au château, l'affreux Gisborne a aussi fait son apparition et rassemblé les louvards qui ont – littéralement – tourné leur veste pour afficher la livrée bleue et noire des Gardes du Shérif : "allez les gars, faut qu'on ramasse un max de pognon sinon mon maître va se mettre en colère."

 

Sur son petit tabouret en lisière du champ, Bagheera s'efforce sans trop de succès de garder l'air sérieux, derrière ses lunettes de greffier perchées au bout du nez : un des louveteaux est passé en galopant devant lui sans le voir déjà deux fois en braillant, éperdu, "elle est où la banque de York, elle est où ?" 

 

Des cris et des exclamations résonnent partout dans la Forêt. "Ils sont là ! Non – ici ! Attention, y'en a un qui arrive ! J'ai une pièce, j'ai une pièce !" 

 

Akéla a oublié qu'elle était en congé et elle fait des allers-retours entre les camps. Puis le sifflet résonne. Tout le monde – ou presque – se rassemble à la Chapelle et convient de planquer ce qui reste du butin dans le "tronc des pauvres". "On a gagné ? "s'inquiète Jules. "Du coup, on va goûter ?" s'enquiert Joshua. Eh bien, non, malheureusement, car Robin, furtif, se faufile soudain dans le village pour nous annoncer d'un ton grave :

 

"Compagnons, j'ai vu Gisborne emporter le coffre de la Banque de York. J'ai bien peur qu'il ne se dirige par ici ensuite."

 

"Quoi ?" s'écrie Jonas horrifié. "Il a menacé ce pauvre papi avec une épée pour lui prendre tous nos sous ??!" 

 

Hélas oui. Gisborne tout fier de lui-même débarque dans le village, le coffre de la banque sous le bras, et menace la pauvre Sœur Tuck de la jeter en prison si elle ne lui donne pas immédiatement le "tronc des pauvres". Suffoqués, les Loups restent cois, puis leurs poings se lèvent derrière les Gardes qui s'en vont victorieux et ils s'élancent – "on va pas les laisser faire !"… mais battent en retraite aussitôt quand les trois louvards, avec un bel ensemble, exécutent une superbe volte-face, la lance pointée sur leurs nez, l'air féroce.

 

"Qu'est-ce qu'on va faire, maintenant, Robin ?"

 

Heureusement, le héros a une idée. "On va reprendre l'argent des taxes. Je sais que Gisborne va s'arrêter en chemin pour faire reposer ses chevaux au bord de la rivière. A cet endroit, il y a une ruche. Si nous dérangeons les abeilles, cela sèmera la panique dans son camp et nous pourrons nous faufiler jusqu'à son sac."

 

"Une fausse ruche" ajoute prudemment Sœur Tuck qui est aussi l'assistante sanitaire du camp. "C'est une marmite avec des balles jaunes dedans. Il ne faut pas faire ça dans la vraie vie, hein."

 

La gamelle part en cacahouète : les Gardes sont beaucoup trop forts et le terrain envahi par des ronces qui rendent l'accès à "la ruche" aussi inaccessible que la banquise dans l'histoire des Tachetés. Qu'à cela ne tienne ! Les Vieux Loups pleins de ressources rivalisent d'entente à demi-mot et les Taxes sont finalement ramenées avec succès à la cachette de Sherwood. 

 

Les Louvards arrivent en troupeau excité juste avant le dénouement, leurs costumes retournés côté vert de Lincoln : "on s'était trompés de faille temporelle", explique Truffe Amicale avec aplomb. "On s'est retrouvés chez des dinosaures à commander des pizzas téléportées."(1)

 

Robin redistribue les salaires selon la fiche marquée du sceau du Roi Richard et les louveteaux enchantés serrent dans les petites bourses fabriquées au temps calme leurs pièces d'or et d'argent. "Moi je me souviens, j'étais forgeron avant de devenir compagnon", "moi j'étais lavandière", "c'est quoi un meunier ?", "tu devrais être un tisserand, on gagne plein d'argent". 

 

Puis notre chef bien-aimé fait une annonce que suit un grand silence consterné. "Compagnons, ne nous montrons pas avides et insensés comme le Shérif. Le Roi Richard avait établi des taxes pour que nous puissions tous ensemble participer aux dépenses nécessaires pour le bien de tous : comme réparer les ponts et les routes par exemple. Compagnons, je serai fidèle à sa parole, je ne prendrai pas ce qui ne m'appartient pas. Rendons le juste montant des taxes au château."

 

Grande-Jeanne est écœurée, mais les Loups se rangent à l'avis de Robin, quoi qu'un peu mélancoliquement. "Mais comment on va faire cet hiver, alors ?" s'écrie la chef des hors-la-loi, désespérée. "Le shérif nous a tout pris. Si tu nous empêches de faire pareil, on n'aura plus rien. C'est bien joli d'être honnête, mais qui nous donnera à manger ?"

 

"Le Roi Richard a promis de pourvoir pour ses sujets même en son absence", répète patiemment Robin. "II veille sur nous. La forêt est remplie de daims qui lui appartiennent et j'en ai chassé un pour vous, Compagnons. Nous sommes peut-être moins riches, mais nous allons festoyer ce soir et nous aurons en plus le cœur content d'être restés honnêtes !"

 

Les Loups sont quand même sceptiques en se rassemblant autour de la peau de chèvre brune au pied du grand chêne : elle ressemble fort peu aux délices rouges et bleus d'une certaine marque suédoise. Puis Robin sort son coutelas, ouvre la bête… et déverse sur son manteau une pluie de bonbons et de chocolats, pour la plus grande joie de ses Compagnons.

 

La meute, réconciliée avec la vie, file après le goûter à la douche où la récolte de tiques est évidemment encore plus grande que d'habitude, après toutes ces galopades dans les fourrés. Les aventures de la journée ne sont cependant pas encore terminées, car ce soir-là, la Lune est haute dans le ciel… Quand les louveteaux s'endorment enfin – un peu tard, mais avec la promesse d'une grasse matinée – deux nouveaux noms de jungle ont fleuri sur le mât de meute et il y a une étoile de plus sous la voûte céleste que les nuages laissent apercevoir pour une fois.

 

Le temps se couvre à nouveau le lendemain de la baignade miraculeuse sur les bords de la Cure, mais les Vieux Loups déterminés remplissent quand même d'eau les ballons de baudruche prévus pour le lancer de vessies de cochons. La pluie ne tombera finalement pas – et heureusement ! – car c'est le jour tant attendu du Tournoi de la Flèche d'Or.

 

Les bannières n'ont pas encore été drapées autour du château que les louveteaux trépignent déjà d'impatience : pendant le repas de midi, le shérif a encore fait une apparition et il a dévoilé son plan machiavélique à Gisborne. Belle Marianne a bien essayé d'avertir Robin du danger avant le rab de yahourts, mais celui-ci n'a rien voulu entendre : il est déterminé à accorder une autre chance au shérif.

 

"Et puis, gagner la Flèche d'or est notre seul moyen d'obtenir assez d'argent pour nourrir Nottingham pendant plusieurs années en attendant le retour du Roi. Si nous n'y parvenons pas, je crains que Grande-Jeanne ne veuille à nouveau recourir à des méthodes malhonnêtes." 

 

Le Tournoi s'ouvre de façon grandiose quand les trompettes résonnent dans la sacoche d'Akéla. Les Loups organisent spontanément un défilé martial pour se rendre au château, où le shérif les accueille mielleusement, son œil aiguisé fixé sur Robin. 

 

Comprendre que nous serons vainqueurs, peu importe qui gagne tant que ce n'est pas Gisborne, prend un peu de temps et quelques grincements de crocs. C'est le milieu du camp, les louveteaux commencent à être fatigués. Il faut démêler deux ou trois calculs de points, consoler ceux qui se comparent un peu trop aux autres, faire réaliser que les défis sont différents : force, adresse ou subtilité, il y en a pour tous, il faut juste trouver celui des stands dans lequel on est le plus à l'aise… et quand même tenter les autres, parce qu'un louveteau, après tout, sait aussi se montrer courageux et tenace.

 

L'heure file et le Tournoi doit être mis en pause le temps des douches et du repas du soir – mais les Loups, en maillot de bain sur les caillebotis, se délectent de s'imaginer sous la cascade glacée près du camp de Sherwood pendant que Robin et Grande-Jeanne passent la meute au jet d'eau agréablement tiède. A table, Rikki a quitté le vison du shérif et remis son pelage afin de pouvoir faire le service. Gisborne, lui, raconte son enfance au château en roulant de gros yeux qui font rire les louveteaux habitués à leur raisonnable Frère Gris. Quant à Belle Marianne, elle s'efforce de ne pas tâcher ses longues manches dans les plats en sauce : des louvettes compatissantes finiront par s'occuper de la vaisselle de notre pauvre Akéla.

 

Le petit laps de Temps Libre a permis aux Vieux Loups de rattraper un oubli sérieux : la fabrication des flèches polynésiennes nécessaires pour la grande épreuve finale du Tournoi.

 

Cent points iront à celui qui lancera le plus loin. Trois essais sont permis. Heureusement, car Robin, sans nul doute épuisé par sa journée, fait un résultat médiocre aux deux premiers, bien loin derrière Daniel et Patte Vaillante. Mais au troisième essai, sous les regards ébahis des enfants, sa flèche traverse tout le terrain de camp en sifflant et se plante avec un whoosh de cinéma… à l'entrée de la tente de Bagheera, dépassant d'une bonne quinzaine de mètres des deux flèches des louveteaux gagnants jusque-là !

 

L'honneur est sauf ! C'est bien le "vrai Robin des Bois" que nous suivons depuis le début de l'aventure ! Les Loups essaient quand même juste pour le fun, avant la remise du prix, l'arc de Robin (ils ne sauront pas avant la fin du camp que le shérif, lui, a fait mouche après leur départ… dans la toile de tente de Rikki !)

 

Sous les bravos de la foule, Belle Marianne s'avance avec le coussin de velours bleu vers Robin. La flèche d'or luit à la lueur des multiples projecteurs car les Vieux Loups, sans se concerter, en ont chacun glissé un sous les bancs autour du château pour être sûr que les enfants verraient bien la scène finale !

 

Mais soudain des éclats de voix résonnent. Trois louvards en livrée bleue et noire viennent jeter au milieu de la cour Grande-Jeanne qu'ils ont surprise en train de voler dans le bureau du shérif. 

 

"Oh, Grande-Jeanne…" murmure Robin tristement.

 

Mais la hors-la-loi se défend avec véhémence.

 

"C'est pas vrai, Robin ! Je ne t'ai pas désobéi ! J'ai rien fait, je te le jure !"

 

Les peu discrets clins d'œil que les Gardes échangent avec le shérif n'échappent pas à la meute indignée. Des huées s'élèvent. Le shérif ricane en se moquant de ses ennemis, Gisborne retient la foule… et Robin s'avance pour le dénouement terrible de cette journée.

 

"Shérif, cessons cette mascarade. Je sais que c'est moi que tu veux arrêter, en réalité."

 

"En effet", minaude le shérif, narquois. "Je n'ai rien à faire de cette piétaille inutile."

 

"Alors relâche Grande-Jeanne et laisse aller mes compagnons. Je serai ton prisonnier, je ne me défendrai pas."

 

" Parfait ! Gardes ! Qu'on le jette en prison ! Et au bout de trois jours… il mourra !"

 

Belle Marianne étouffe un gémissement. Les louveteaux sont consternés. Robin donne son arc à Gisborne (qui se dépêche de le planquer) et tend la main à Grande-Jeanne pétrifiée.

 

"Relève-toi. Je te crois."

 

"Mais Robin, c'est injuste, tu n'as rien fait de mal…"

 

"Je sais ce que je fais. Ne t'inquiète pas pour moi. Aie confiance dans la promesse du Roi. Même si je ne suis plus là, rappelle-toi de ce que tu as appris, efforce-toi de faire ce qui est honnête et bon. Et veille sur nos compagnons."

 

Les Compagnons en question sont occupés à crier à la rébellion. Il faut des trésors de persuasion de Belle Marianne pour les empêcher de mener tambour battant la libération de leur chef – et l'aide de tous les Vieux Loups réunis pour mettre fin à cette veillée mouvementée en suivant la courbe réclamée par 'Jeunesse & Sport'. 

 

"C'est trop triste comme fin de chasse", soupire Samuel sur le chemin de sa tente. 

 

"Ne t'inquiète pas", lui souffle Candice gentiment. "Je suis sûre qu'on pourra le délivrer demain."

 

Dans la nuit d'été parfumée, la chanson du soir parle de rester fidèle quoi qu'il en coûte, d'avoir confiance en attendant… et les louveteaux s'endorment, certains le poing serré encore sur un bâton orné de plumes bleues, d'autres le museau blotti dans un doudou réconfortant. 

 

La pluie ne tombe pas pour une fois, mais son 'ploc, ploc' mélancolique se mêle à la mélodie d'Adam de la Halle le lendemain, sur l'enceinte connectée, pendant que les Loups font les ratons laveurs bagnards pendant l'éveil de jungle.

 

"Des bas, des hauts… il y en a partout… mais des drames, il y en a surtout… ici à Nottingham…"

 

Ce midi, la faille temporelle tant attendue laisse échapper Gisborne qui traîne Robin jusqu'à sa cellule et l'y jette sans ménagement. Belle-Marianne se faufile en cachette jusqu'à la sombre et humide prison pour aller lui parler pendant que les louveteaux dégustent leur dessert au soleil en assistant au sketch.

 

"Mais enfin, Robin, pourquoi avez-vous fait cela ?"

 

"Et vous, Marianne, pourquoi n'avez-vous rien fait, rien dit quand vous avez surpris le complot ? Richard, autrefois, vous a vous aussi sauvée et invitée à vivre dans son château. Mais vous vous contentez de profiter des biens qu'il vous a donnés, sans vous opposer au shérif qui trahit tout ce que le Roi nous a enseigné – et vous ne réalisez pas qu'en restant silencieuse, c'est comme si vous étiez complice de l'injustice qui règne ici !"

 

"Mais à quoi cela aurait-il servi ? Si j'avais osé parler, nous serions tous les deux en prison, maintenant ! Et vous, vous avez beau rester fidèle au Roi, vous allez être mis à mort !" proteste la jolie lady, désespérée.

 

Bagheera a beau n'avoir pas enfilé ses lentilles et galérer à relire les pompes griffonnées sur ses mains, il n'en est pas moins convainquant quand Robin s'écrie : "Marianne, Marianne, vous ne comprenez pas ! Il vous faut prendre position, vous ne pouvez pas rester éternellement indécise : si vous ne dites rien, c'est que vous choisissiez par défaut d'être loyale au Prince Jean. Moi, je crois en la promesse du Roi, mais vous agissez comme s'il n'allait jamais revenir…"

 

Sa voix est douce, mais triste et pressante.

 

"Et même si vous parveniez à me faire échapper d'ici, que se passerait-il ensuite ? Je retournerais dans la Forêt… et vous, au château ? Quel avenir y-a-t-il pour nous, Marianne ? Nous ne marchons pas dans la même direction, nous ne partageons pas la même foi. Mon chemin va vers le Roi Richard… mais où va le vôtre ?"

 

La jeune femme ne répond rien, les yeux pleins de larmes. Gisborne revient et elle doit s'en aller sans avoir réussi à trouver quoi dire. La faille spatio-temporelle se referme et les Loups font leur vaisselle, pensifs.

 

"Robin, il n'a pas peur" dit Pelage Observateur, songeur.

 

"Mais Gisborne, il est trop méchant !" s'exclame Babine Investie. "Heureusement Frère Gris n'est pas comme lui."

 

"Belle Marianne pleurait", soupire Eléonore.

 

"T'as vu le hérisson ? Il mangeait du pain dans l'assiette de Robin !" glousse Lithy-Garde.

 

"Sa popote était super sale", lance Patte Volontaire en nettoyant distraitement la sienne (2).

 

"Moi je veux le boulet !" clame Joséphine en dansant autour de l'abreuvoir.

 

Pour ça, il faudrait déjà réussir à libérer Robin des Bois, ce qui ne s'annonce pas facile, même avec le plan du château que nous a dégoté Marianne. Les Compagnons commencent par escalader en douce les remparts, dans la nuit sombre et obscure de trois heures de l'après-midi. Les Gardes sont au taquet et ont préparé des tonnes de pièges, bien pratiques pour cocher des tas de trucs dans le "Sentiers de jungle". 

 

Puis vient le moment de décrocher la clé de la cellule pendue au-dessus de la tête du shérif qui somnole sur son tabouret. Gardes et Compagnons se tapissent derrière les murs, attendant qu'il s'endorme profondément. Quelque part, entre les arbres, on entend soudain s'élever une mélodie connue et les Vieux Loups costumés ont bien du mal à se retenir d'exploser de rire : un des louveteaux est en train de fredonner d'une voix nasillarde : "fais dodo, shérif mon p'tit frère…" Evidemment, tout le monde se pince très vite le nez pour l'imiter et hâter la sieste de l'ennemi.

 

Qui a le plus envie de libérer Robin ? Je ne sais pas ! Les Compagnons s'emparent de la clé et se faufilent à la queue-le-leu sur le pont-levis pour entrer dans le château. Mais ce sont les Gardes qui débloquent le code de la cellule en premier.  On perd un peu de temps à réveiller Bagheera qui a commencé sa sieste sous le capuchon du héros en attendant son entrée en scène – et à s'amuser à tourner la clé dans la vraie serrure que nous a prêté Papi Loup – puis on se rue dans le labyrinthe des couloirs du château. Plusieurs sont pris au filet des Gardes, le temps que Robin et Belle Marianne trouvent un chemin sécurisé pour revenir au pont-levis…

 

… mais hélas, la herse est tombée pendant ce temps et les Compagnons sont pris au piège ! Ils affrontent les Gardes au bras de fer pour faire descendre le pont-levis et, après une lutte serrée, parviennent enfin à franchir les douves.

 

Le shérif se rue derrière eux et Robin n'a pas d'autre solution pour arrêter la poursuite que de prendre Gisborne en otage. Il profite de cette accalmie pour haranguer la foule : "Gardes, allez-vous toujours vivre ainsi ? Vous n'êtes pas libres !"

 

Il n'a pas le temps de finir sa phrase que, sans hésitation, un des louveteaux a levé les mains et traversé aussitôt pour rejoindre les Compagnons. 

 

"Restez avec moi ! La vie avec Robin est dure ! Vous n'aurez que des difficultés si vous vous opposez à moi !" beugle le shérif.

 

Mais d'autres enfants franchissent le chemin et commencent eux-aussi à retourner leurs vestes.

 

"Voyez ce que je vous offre, moi !" lance l'infâme serviteur du Prince Jean en jetant au sol d'un geste large un tas de bonbons qui font saliver les pauvres louveteaux tentés. "Qu'est-ce que le Roi Richard et Robin ont à vous offrir ? Rien d'autre qu'une promesse qui tarde à se réaliser ! Comment pouvez-vous être aussi naïfs ?"

 

La moutarde commence à monter au nez de certains loups.

 

"Robin, il s'occupe bien de nous !"

 

"Ouais ! Il est bon, pas comme toi !"

 

Le shérif trépigne de rage en voyant ses rangs se réduire de plus en plus (il ne reste bientôt plus que ceux qui ont la flemme de défaire leurs costumes et d'autres qui sont trop occupés à regarder le sketch pour réaliser qu'ils sont aussi acteurs du moment).

 

"Et toi, Gisborne, que vas-tu choisir ?"

 

Le capitaine des Gardes hésite. Tous les regards sont braqués sur lui.

 

"Je vais rester avec le shérif" finit-il par marmonner en baissant les yeux. 

 

"Mais pourquoi ? "se récrient les louveteaux, affligés. "Il ne t'aime pas ! Il n'a même pas essayé de te sauver !"

 

"C'est plus facile, vous comprenez… je ne sais pas si le Roi Richard reviendra… mais je sais par contre que si je ne reste pas au château, je n'aurais plus aucun avantage… je ne veux pas échanger une vie où je suis déjà riche, même je ne suis pas vraiment heureux, avec une vie où il faut croire et espérer, mais que c'est la galère…"

 

Les Loups laissent le shérif et Gisborne en arrière et suivent Robin jusqu'à la cachette de Sherwood, en commentant avec animation ce qui vient de se passer. 

 

"Moi je ne regrette pas", dit gravement Museau Persévérant. "C'est mieux d'être libres comme Robin."

"Mais vous auriez pu nous donner les bonbons quand même, hein, les Vieux Loups…"

 

"Célestin, il en a pris plein !"

 

"Il est petit, il n'a rien compris. Moi, je préfère attendre le Roi !"

 

"Mais non, il veut rester avec le shérif, parce que c'est sa maman."

 

L'allégeance de Célestin provoque un nouveau tollé lorsqu'il crie plus tard à tue-tête "et vive le prince Jean" alors que la meute hurle "longue vie au Roi Richard !", mais les louveteaux oublient vite le malicieux Petit Peuple et les bonbons de la traîtrise en assistant au sketch suivant.

 

"Robin, j'ai enfin compris" dit Belle Marianne avec un sourire lumineux. "Je ne peux pas continuer à vivre ainsi. Tant pis, je quitte le château. Je vivrai avec vous dans la Forêt, j'attendrai le Roi. Et je promets de lui obéir, quoi qu'il m'en coûte."

 

Robin est radieux – les louvettes aussi.

 

Grande-Jeanne a réfléchi également. Mais c'est avec timidité qu'elle se tourne vers Robin : "Tu sais, moi aussi j'ai compris… je veux vivre comme toi, je ne veux plus être comme avant… mais, Robin… quand le Roi reviendra… il ne voudra pas de nous.  Il apprendra qu'on n'était que des voleurs, des menteurs. Avec tout ce que j'ai fait… il ne voudra pas de moi."

 

Robin secoue doucement la tête. 

 

"N'aie pas peur, Grande-Jeanne. Il n'est pas trop tard pour décider. Et tu sais quoi ? Le Roi reconnaîtra ceux qui l'ont choisi. Il m'a pardonné autrefois, tu te rappelles ? Toi aussi, tu as le droit d'avoir une nouvelle vie, une place dans son royaume. Tout ce que tu as à faire, c'est de croire en sa parole et de changer de façon de vivre à partir de maintenant."

 

Le coucher, ce soir-là, est teinté d'émotion et d'un frémissement d'anticipation aussi.

 

"Le Roi va bientôt revenir, cette fois, hein ?" demande encore la tente des garçons qui pose la même question tous les jours à son Vieux Loup référent de tanière. 

 

"Je crois bien que oui ", confirme doucement Frère Gris avec un sourire.

 

"Et ce sera qui, alors ? A quoi il ressemblera ?" interrogent des filles un peu plus loin, à plat-ventre sur leurs duvets.

 

"Je ne sais pas, mais on va faire la fête s'il revient, j'en suis sûre."

 

"Et Robin et Belle Marianne se marieront ?"

 

"Euh. Ça, on verra. Peut-être."

 

"Ils vont se faire un bisou ?"

 

"Sûrement pas !"

 

"Alors est-ce qu'ils peuvent au moins se tenir les mains ?" supplie Line. "S'il te plaît, s'il te plaît, s'il te plaît ? Tu peux demander aux autres Vieux Loups ? Ce serait trop bien s'ils se mariaient et qu'ils se tenaient les mains, comme ça, tu vois ? Ce serait trop chou !"

 

"On verra. Allez, les filles, on dort. Toutes les tanières sont silencieuses. Il ne reste que vous. Bonne nuit…"

 

Les fermetures éclairs glissent dans l'obscurité avec leur petit bruit rassurant. A la lueur pâle d'une lampe de poche, les Vieux Loups fatigués mais heureux feuillettent leur carnet à la recherche d'un chant pour conclure parfaitement cette journée forte en émotions et en choses à comprendre. 

Dans une des tentes des garçons, une voix d'enfant à moitié endormie marmonne encore : "moi, j'ai hâte de voir le Roi…"

 

Tout est calme. Un criquet chante dans le noir. C'est le troisième jour sans aucune pluie.

 

"Et peut-être demain, quand le jour se lèvera, il se peut qu'au matin, tu vois le retour du Roi… holalahihou, holalahihou…"

 

L'avant-dernier jour du camp, les cuisines sont pleines et tout le monde est au taquet. Le planning s'annonce chargé et la journée ne s'interrompt pas, même au temps calme : les Vieux Loups qui somnolent d'habitude dans leurs hamacs à cette heure-là ont disparu et Akéla qui les cherche les retrouve, morte de rire, au préfabriqué où ils répètent une certaine chorégraphie délicate.

 

Les louveteaux sentent bien que quelque chose se prépare. Surexcités, ils se répartissent dans les ateliers en bouillonnant d'idées. Ce sera à qui préparera le sketch le plus haletant, la décoration la plus belle, la meilleure brochette, la plus mélodieuse des chansons.

 

A la fin de l'après-midi, les cheftaines sont au bout de leur vie et de leurs voix, mais Bagheera et Frère Gris tiennent le fort sans broncher, battent des records de vitesse en relais et douchent tout le monde en sifflotant joyeusement. 

 

Puis vient enfin le moment tant attendu… les filles ont tressé leurs cheveux avec des perles et brillent de mille paillettes. Les garçons ont soigneusement aplati leurs franges avec l'eau du robinet. Belle Marianne fait son apparition, acclamée. Sœur Tuck a son petit succès aussi avec la grosse fleur blanche qu'elle a piqué dans ses cheveux. Pudmini est adorable, vêtue d'un corset brodé et d'une coiffe blanche. Kaa tourbillonne pour prendre des photos dans sa belle robe orange. Robin et Grande-Jeanne échangent un check et… soudain !

 

Il est là.

 

Un chevalier est entré dans le camp sans qu'on s'en aperçoive. Il porte une armure d'argent et son visage est dissimulé sous son heaume. Les Loups, prudents, l'observent avant de s'approcher. 

 

"Qui va là ?" hèle Robin. "Ami ou ennemi ?"

 

"J'ai entendu dire qu'un certain Robin des Bois vivait par ici" répond le chevalier mystérieux. "On dit qu'il est fidèle au Roi Richard et qu'il attend son retour. Je suis venu voir si c'était vrai."

 

Sa voix grave est à la fois inconnue et familière.

 

"Je suis Robin et c'est vrai, j'attends le retour du roi", dit Robin fermement – mais en faisant signe aux louveteaux de rester à distance. "Qui êtes-vous et que voulez-vous ?"

 

"Je me demande si tu es vraiment fidèle au Roi", dit le chevalier d'un ton où il y a une pointe de défi. "C'est facile d'être fidèle tant que tout le monde te suit, mais serais-tu fidèle si tu étais tout seul ? Serais-tu fidèle même si tu devais risquer ta vie ?"

 

"Bien sûr !" s'écrie Robin. "Je suis prêt à mourir pour le Roi."

 

"Alors voyons ça. En garde !" dit le chevalier en lançant une épée à notre chef résolu.

 

Le combat est haletant. Les épées s'entrechoquent – sans bruit, car elles sont en mousse, mais les imaginations complètent aisément le fracas de la ferraille – et les deux hommes s'affrontent sans rien retenir. Les louveteaux ne quittent pas des yeux Robin et étouffent leurs exclamations derrière leurs mains jointes quand celui-ci est vaincu.

 

"J'ai peut-être perdu ce combat, mais je reste fidèle au Roi", dit fermement Robin, sans peur.

 

Le chevalier mystérieux s'avance. Il baisse son épée… porte la main à son heaume… et relève la visière.

Il y a un grand sourire sur son visage et ses yeux pétillent de bonté.

 

"C'est bien, Robin, dit-il doucement. "Je suis fier de toi."

 

Les Loups hoquètent.

 

"Mon Roi !" balbutie Robin en tombant à genoux, immédiatement imité par l'ensemble du camp frémissant de joie.

 

"C'est lui, c'est le Roi ! C'est vraiment lui !"

 

Richard s'avance vers Robin et lui tend la main.

 

"Relève toi, fidèle serviteur", dit-il avec chaleur.

 

Puis il se tourne vers la foule et cherche des yeux une certaine tête brune.

 

"Marianne", appelle-t-il d'une voix profonde. 

 

Dans le silence, Maeline observe avec attention la tête baissée de la jeune femme qui n'ose pas se redresser.

 

Le Roi s'approche et se penche.

 

"Marianne… relève-toi, mon enfant", dit-il avec compassion. "Je sais et je te pardonne."

 

Les larmes ne sont pas loin des yeux d'Akéla. Ce moment de grâce est encore plus beau qu'on l'avait rêvé pour les loups…

 

"Et voici mes compagnons", dit Robin ensuite en désignant d'un geste large Grande-Jeanne et les capuchons verts tout autour. "Autrefois ils suivaient leur propre loi, mais ensuite ils ont cru à votre promesse et ont décidé de vous être fidèles."

 

Le Roi pose son regard plein d'affection sur les enfants qui attendent en retenant leur souffle.

 

"Relevez-vous, Compagnons” dit-il. “Je vous connais."

 

Un hurlement de joie retentit et les louveteaux bondissent de tous côtés.

 

"Je suis de retour" ajoute encore le Roi d'une voix forte, en levant les bras. "Festoyons !"

 

 Et c'est ainsi que commence le grand banquet de fête qui mettra un point final à notre camp.

 

Sur les tables recouvertes de nappes blanches, les louvettes ont drapé des étoffes chatoyantes et disposé des guirlandes de roses et des choses qui nous rappellent les aventures vécues au cours du camp : le petit coffre de la Chapelle, la serrure de la cellule de Robin et sa grosse clé, des fers à cheval, des pommes de pin, une cloche en laiton et le chaudron de la cachette des hors-la-loi, rempli des fleurs en origami fabriquées par Cœur Pétillant dans l'après-midi. La flèche d'or trône sur son coussin de velours à la table du Roi et un lion brodé figure en bonne place dans la salle de banquet installée en U sous le grand keweenaw.

 

Les Loups ont préparé des brochettes de concombres et de pain de mie en forme de flèches qu'ils dévorent avec un bel appétit, entre deux rasades de l'hydromel local, une boisson pétillante et dorée à base de fruits coupés en morceaux et de limonade qui a un succès fou – surtout qu’elle est versée dans les hanaps par le Roi lui-même, qui n’hésite pas à se mettre au service de son peuple, comme celui dont on a parlé au Cercle du Feu ce matin.

 

Le Ragoût de Sherwood est servi dans la foulée : aucune cuillère de principe n'est demandée ce soir, tout le monde veut goûter ! Les babines léchées, les écuelles saucées, les loups s'attaquent ensuite à l'énorme tomme de vache grise… mais s'arrêtent, intrigués, quand le Roi interpelle Marianne.

 

 "Venez ici, mon enfant. Sachez que le Comte de Locksley m'a demandé votre main en mariage… et que j'ai décidé de la lui accorder."

 

Marianne n'entend pas la houle d'excitation qui soulève le banc des filles dont la plupart ont seulement capté le mot "mariage". Le cœur serré, même si elle ne comprend pas pourquoi on lui impose un tel sacrifice, elle rassemble son courage et répond au Roi : "j'ai promis de vous obéir, quoi qu'il m'en coûte. Je partirai donc ce soir, si telle est votre volonté."

 

A la table des garçons, il y a quelques froncements de sourcils : certains ont réalisé ce que l'ordre signifiait… mais personne n'ose intervenir, même si les regards se remplissent de compassion.

Dans le silence que Grande-Jeanne a enfin réussi à obtenir de l'autre côté, après avoir expliqué ce qui est vraiment en train de se passer, Marianne fait la révérence. Elle a un gros nœud dans la gorge.

 

"Oserai-je vous demander l'autorisation d'aller dire au-revoir à Robin ?" souffle-t-elle.

 

Le Roi acquiesce avec douceur.

 

Marianne cherche Robin des yeux : il est tranquillement en train de déguster un morceau de fromage sur son tabouret à côté de la table de service. Il se lève galamment quand elle s'approche, sourit… et prend les mains de la jeune femme.

 

A la table des filles, le banc ploie sous des trépignements et les chuuuut !!! répétés parviennent à peine à contenir les louvettes surexcitées. Les garçons plus sérieux retiennent leur souffle : Robin va-t-il s'élever contre l'ordre du Roi ? Marianne obéira-t-elle comme elle l'a promis, malgré ce que cela va lui coûter ?

 

"Robin, mon ami, je vais devoir partir. Le Roi a décidé d'accorder ma main au comte de Locksley" dit Belle Marianne d'une voix résolue mais étranglée de chagrin.

 

Trois… deux… un…

 

Le sourire qui se dessine sur le visage de Robin est un peu malicieux, mais surtout plein d'affection.

 

"Mais Marianne… "commence-t-il. "Je suis le comte de Locksley ! Le Roi m'a anobli et donné des terres !"

 

Marianne se retourne, suffoquée… et croise le sourire du Roi qui acquiesce.

 

"Alors ?" ajoute Robin doucement. "Ensemble sur le même chemin ?"

 

"Oui, ensemble", répond la jeune femme, les yeux brillants de reconnaissance.

 

Le soleil couchant ourle d'or les feuilles des arbres et la silhouette du Roi, dont le regard est plein de bonté. 

 

Robin et Marianne partent chercher le dessert à l'Intendance, tandis que la forêt tout entière éclate en vivats. Les garçons portent des toasts et les louvettes déchaînées dansent en piaillant autour de leur banc renversé.

 

"Les maiiiiiins, ils se sont tenus les maiiiiiins ! Ils vont se mariiiiiier !"

 

Les appareils photos crépitent autour de nos deux héros quand ils reviennent avec le magnifique gâteau confectionné par les louveteaux pendant l'après-midi : un chef d'œuvre de ganache au chocolat, crème à la vanille et biscuits thé, saupoudré de mousse verte qui-se-mange, orné d'une splendide cible en pâte à sucre dans laquelle est plantée une flèche.

 

Les parts sont énormes – mais les estomacs ont encore un peu de place, heureusement.

 

La nuit tombe pendant la vaisselle. Il est très tard… le sketch des troubadours est reporté au lendemain sans protestations. Sur les bancs rassemblés en cercle, les Loups fredonnent, blottis les uns contre les autres, accompagnés par les doux sons du violon de Louvette Chaleureuse.

 

"[En] attendant, persévère… comme le feu pétille… garde ton cœur sincère… chaque jour, qu'il scintille… holalahihou, holalahihou…"

 

Dans la nuit, à la lueur du projecteur, au milieu de la meute qui chante, les personnages semblent esquissés à l'aquarelle comme sur les pages du livre dont ils sont sortis : Belle Marianne avec sa longue robe, Robin et son carquois, Sœur Tuck douce et tranquille, Grande-Jeanne avec ses tresses sur la tête… et le Roi au regard plein d'amour et de patience.

 

La mélodie s'achève. Les étoiles sont toutes accrochées sous la voûte noire à présent. Les louveteaux sont retournés à leurs tanières et déjà presque endormis. Des fourmis se régalent dans la gamelle de la cible en pâte à sucre. Sous le Keweenaw, les Vieux loups plient les nappes en chuchotant. La forêt est paisible.

 

Dans l'obscurité, une pièce d'or scintille dans l'herbe.

 

Demain, on rangera tout, et puis on rentrera à la maison. Le camp est fini, mais l’on n'oubliera pas : nos aventures à Sherwood, les amis, tout ce que l'on a appris… et surtout, la Promesse du Roi.

 

Il reviendra, moi je le crois. Et toi ?

 

 


Notes : 

(1) Pour davantage de détails sur cette excursion mystérieuse, merci de vous en référer aux louvards qui se feront un plaisir de détailler leurs trépidantes aventures imaginaires.

(2) Non, les Vieux Loups n'étaient pas tombés sur la tête… cet accessoire n'était en fait qu'une vieille gamelle utilisée pour évacuer la terre d'un trou.

 

 

 



24/09/2025
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