Sous le Mohwa

Sous le Mohwa

Ce qui arrive quand on néglige la Fiction Jungle

 

Les arguments contre que l'on entend régulièrement

quand on est cheftaine, c'est :

 

 

 

- Je n'aime pas lire :

 

Au moins jetez un œil sur les premières pages de votre carnet d'aventure, ça vous permettra de ne pas être complètement largués. Ou allez lire un résumé des histoires, ce n'est pas la fin du monde !

 

- Je n'ai pas le temps :

 

Quand j'étais étudiante, je potassais mon manuel de meute dans le train en revenant à la maison. A force de surligner et d'annoter les pages, j'ai fini par le savoir par cœur sans même m'en apercevoir. Il n'y a pas de WC, chez vous ? Je suis sûre que vous y stockez des BD et des magasines. Laissez-y vos notes sur la fiction, une version réduite du Livre de la Jungle ou même simplement votre carnet d'aventure. Vous verrez que vous trouverez cinq minutes par ci par là pour le consulter !

 

- La fiction jungle n'est pas essentielle pour ce que nous faisons :

 

Alors allez faire de l'animation en colo, en centre aéré ou à l'école du dimanche. On ne vous y demandera pas d'utiliser la pédagogie louveteau (apprendre par le jeu) qui est indissociable de la Fiction Jungle. Cet outil génial trouve son plein épanouissement dans le scoutisme, c'est un non-sens de galérer en faisant de la morale quand on pourrait avoir la vie tellement plus facile !

 

 - ça ne marche pas, on a déjà essayé :

 

Faux.

Si vous aviez vraiment essayé, ça aurait fonctionné. Non, non, je ne plaisante pas. Un chef qui en est réduit à hurler sur les enfants pour obtenir le silence n'est pas en train de se servir de l'outil. Si vos louveteaux ne réagissent pas immédiatement quand vous associez les mots "attitude" et  "bandar-logs" ou "père loup", c'est que vous ne vous servez pas de la fiction.

Une dernière chose : quand vous aurez tenté le coup, vous verrez. La différence sera tellement drastique que vous ne pourrez pas la rater et vous ne voudrez plus jamais revenir à la façon dont vous vous y preniez avant ! C'est tellement plus facile de s'occuper d'une meute que d'un groupe de colons...

 

- Les enfants ne sont plus les mêmes, faut vivre avec son temps :

 

Faux.

La Fiction Jungle n'a pas perdu son effet sur les enfants, je vous le promets. Ce qui a changé, c'est parfois le dynamisme qu'elle demande pour l'utiliser. Les louveteaux dont je m'occupais il y a quinze ans n'avaient pas besoin de faire beaucoup d'efforts pour rêver et être embarqués dans l'aventure. Ceux de maintenant ont - peut-être - plus de mal à se concentrer et moins l'habitude de faire appel à leur imagination : mais si je mets les bouchées doubles en répétant souvent les histoires et si mes jeux sont variés et énergiques, si je m'intéresse réellement à eux et que je prends le temps de les écouter, j'obtiens le même résultat qu'auparavant...

 


 

CE QUI ARRIVE AUX CHEFS QUI NÉGLIGENT LA FICTION JUNGLE

 

 

Ils se fient à Disney

 

- Vous croyez que Kaa est méchant.

 

ça va être coton quand vous ferez une sortie avec un autre groupe...

Kaa a sauvé Mowgli et la meute PLUSIEURS fois. C'est un personnage intelligent, sage et patient, qui nous apprend que vieillir est une bonne chose et qu'on doit respecter les anciens...

 

 

- Vous pensez que Chil est débile.

 

On se demande bien pourquoi c'est lui qui nous apprend le maître-mot de la jungle...

Et puis, vous avez déjà cherché sur internet "vautour milan" ? Parce que ça ne ressemble PAS DU TOUT à un vautour comme ceux du film, mais plutôt à un genre d'aigle..

 

 

- Vous imaginez que Kala Nag est un éléphanteau mignon et joueur.

 

Question crédibilité pour le chef, c'est limite.

Et Kala Nag est un éléphant adulte, extrêmement fort et potentiellement dangereux, que seul Grand Toomaï le cornac peut approcher. Petit Toomaï, son fils, un petit garçon de l'âge de Mowgli, réussit l'exploit de grimper sur son dos et d'assister à la Danse des Éléphants, une cérémonie mystérieuse...

 

 

 

LEURS CHEFS S'APPELLENT

 

 

- Darzee

 

Bravo. Ouille, ouille, ouille. Et un jour, une cheftaine qui raconte l'histoire de Rikki va devoir faire face à un sérieux dilemme quand elle en arrivera au moment de comique-clé...

Darzee est l'un des personnages les plus stupides du Livre de la Jungle. Ses chansons maladroites et vantardes ont presque couté la vie de Rikki. Et au fait, ne le donnez pas systématiquement aux jeunes cheftaines débutantes, parce qu'il s'agit d'un personnage masculin à l'origine. Ou au moins, appelez-les Madame Darzee, car c'est elle, l'oiseau intelligent de l'histoire.

 

- Sahi

 

Et c'est le drame quand les enfants ouvrent leur carnet d'aventure.

Sahi est un porc-épic grognon, colporteur de rumeurs, mal-embouché et peu serviable. Super, l'exemple pour les enfants, hein ?

 

 - Lala

 

Je vous promets des chansonnettes zinzins qui vous colleront à la peau. Lala est le prénom d'un personnage inventé par les studios manga. On peut éventuellement imaginer que c'est le raccourci de "Lahini", mais c'est quand même tiré par les cheveux. Et si vous donnez Lala comme nom - si votre référence est uniquement la série animée - alors pourquoi vous n'osez pas aussi donner Bacchus et Alexandre, comme noms ? Ce sont aussi des personnages du manga...

 

 

- Toomaï

 

Et ils signent en se dessinant de grandes oreilles d'éléphant. C'est malin. Toomaï, c'est le petit garçon, dans l'histoire. L'éléphant, c'est Kala Nag, les gars.

 

 

PLANNING DES ACTIVITES

 

- Cabanes

 

Encore une fois, c'est quelque chose de sympa, que les enfants adorent et qu'il faut placer dans votre grille de camp. Mais par pitié n'en profitez pas pour les laisser seulement gratter la terre sous une vague surveillance de loin...

Et voilà d'où vient la réputation que les scouts, c'est léger-léger, comme activité : on part en forêt faire des cabanes. C'est cool, on s'amuse, mais où sont les valeurs de Baden-Powell, l'idée de grandir en apprenant par le jeu ?

Ouvrez votre carnet d'aventure, profitez-en pour apprendre les nœuds et leur montrer qu'ils servent vraiment à quelque chose dans la vie.

Et faites les cabanes AVEC eux !!! Ils ont besoin d'être stimulés, mis en valeur et guidés, pour être fiers de leur travail à la fin. Et c'est un excellent moyen de passer du temps en petit groupe en apprenant à les connaître.

 

 

- Randos

 

C'est clair que ça ne demande pas beaucoup d'imagination et que ça fait très scout (la nature, le grand air...) mais vous ne venez pas pour satisfaire votre passion de la montagne : vous venez pour apprendre à des enfants enfermés dans un quotidien urbain gris et égoïste qu'il y a plus autour d'eux.

Si vous vous contentez de les laisser marcher sans rien indiquer de plus, ils ne verront pas le paysage, je vous le garantis. Un louveteau de base marche le nez sur les cailloux ou en parlant cartes magiques avec son copain.

Si vous voulez qu'ils voient ce que vous voyez, il faut marcher à leur rythme (il est lent !), leur parler et leur raconter autre chose que des trucs d'écoliers ou de télé, leur demander de chercher des détails dans la nature, admirer les bouts d'écorce qu'ils ramassent et expliquer en route pourquoi la mousse pousse près des arbres.

 

- Sorties Escalade, poney, accro-branches, piscine...

 

C'est très bien, de temps en temps, pour que les chefs fassent une pause dans les animations. Mais si vous ne prenez jamais la peine de construire un vrai jeu (comme au BAFA, avec en prime les valeurs du louvetisme) alors les parents feraient tout aussi bien de mettre leurs gamins en colo ou au centre aéré. On y fait la même chose, pourquoi s'embêter à mettre un uniforme ?

 


 

CERCLES DU FEU

 

- Enfin, là, vous appellerez ça  un "moment spi", parce que le vocabulaire jungle, c'est trop dur à retenir. Et pourquoi s'embêter à coupler le moment avec l'animation ? On est bien deux groupes différents à le préparer, non ? ça va être compliqué de devoir se téléphoner et se coordonner...

 

Mouais...

Harmoniser votre animation avec le CDF, c'est permettre aux enfants de faire un lien concret entre la théorie et la pratique. Encore une fois, en tant qu'adulte on y arrive sans exemple plus facilement (et encore !), mais un louveteau a besoin d'être davantage éclairé par des actions. Vous pouvez bien rabâcher qu'il faut pardonner, à moins que vous soyez un conteur émérite qui les émeut pendant l'histoire, vous n'obtiendrez que peu d'impact. En revanche, si le jeu impliquait des personnages qui avaient un souci à ce sujet ou s'il fallait faire une action spéciale qu'on a répété toute l'après-midi, alors vous entendrez vos enfants, pensifs, faire le lien tout seul et comparer leur attitude à ce que vous enseignez.

 

La Fiction Jungle regorge de moyens/trucs/astuces pour apporter des valeurs comme la générosité, le pardon, le sens du sacrifice, la loyauté, l'humilité. Si vous baignez dans les histoires (la trêve de l'eau, le cadeau de Bagheera) et si vous répétez quinze fois par jour "un louveteau pense d'abord aux autres", vous êtes déjà en train de préparer le terrain pour vos CDF.

 

- L'autre danger, c'est quand vous confondez "école du dimanche/clubs de rue" avec les Louveteaux.

 

Nos enfants viennent de tous horizons. Certains sont de l'église, d'autres pas du tout. C'est un non-sens d'utiliser du "patois de Canaan" ou de se lancer dans une leçon d'une heure avec louange à l'appui. Ils ne sont pas venus pour ça - et leurs parents n'ont pas non plus signé pour ça. Amener l'évangile est notre priorité, mais le Cercle du Feu n'est pas la seule chose que nous faisons dans l'après-midi. Pensez "mission" : leur donner à manger, leur permettre d'acquérir des bases d'hygiènes, leur apprendre un métier solide, s'assurer qu'ils deviennent indépendants des chefs pour vivre... c'est aussi ce à quoi nous travaillons.


Négliger la Fiction Jungle, c'est comme en abuser (= penser que TOUS les jeux de l'année doivent forcément être en thème Jungle) : ça ne nous amène nulle part. Les chefs s'épuisent, la passion s'étiole, les enfants s'ennuient - après tout, on leur propose les mêmes activités au centre aéré ou en colo.

La Fiction Jungle est une aventure qui doit se vivre à cent pour cent. Elle se respire, elle est facile, elle invite les enfants dans un monde où on ne leur impose pas des règles figées ou des leçons de morale, mais où, en jouant à respecter la loi de la jungle, ils apprennent tout naturellement à vivre ensemble, à protéger la nature, à grandir en citoyens, à chercher le bon en tout.

Je pourrais en parler des heures, mais le mieux, si tu ne comprends toujours pas pourquoi elle est si importante, c'est que tu ailles faire un saut dans une meute où elle est vivante et alors elle s'expliquera toute seule.



28/08/2014
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